Sortie de crise en vue ?

Publié le 27 juillet 2008 Lecture : 3 minutes.

Depuis la réélection chaotique, le 27 juin, de Robert Mugabe, 84 ans dont vingt-huit à la tête du pays, le Zimbabwe est plongé dans la tourmente. C’est dans un endroit tenu secret, près de Pretoria, qu’ont démarré le 24 juillet les négociations censées ramener la paix.
Mandatés par l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF), le parti au pouvoir à Harare, Patrick Chinamasa et Nicholas Goche, les ministres de la Justice et du Travail, sont arrivés, la veille, dans la capitale sud-africaine. Dans le même avion avaient pris place Tendai Biti et Elton Mangoma, respectivement secrétaire général et trésorier adjoint du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), les négociateurs en chef du parti d’opposition. Zanu-PF et MDC ont deux semaines pour s’entendre sur la mise en uvre de l’accord-cadre conclu le 21 juillet par Robert Mugabe et Morgan Tsvangirai, son rival qui, arrivé en tête du premier tour de la présidentielle, s’est retiré du second pour protester contre les violences faites à ses partisans.
Jamais rendu public, le contenu du document paraphé par Mugabe et Tsvangirai prévoit une révision en profondeur de la Constitution, fixe les modalités d’un « partage équitable » du pouvoir et met en place un « gouvernement d’unité nationale ». Si Mugabe devait rester à la tête du pays, il serait probablement flanqué d’un Premier ministre issu du MDC dont les pouvoirs seront définis par le futur accord.
Dubitatif quant à la neutralité du médiateur, le président sud-africain Thabo Mbeki, Tsvangirai a, le 16 juillet, dépêché auprès de Jean Ping, le président de la Commission de l’Union africaine (UA), qui séjournait à Paris, un émissaire porteur d’un message clair : « Je ne signe que si vous venez en personne à Pretoria pour assister à la conclusion des négociations. Et si Mbeki accepte que vous fassiez partie d’un comité de liaison chargé de l’assister dans sa médiation. »
Le jour même, Ping s’est donc rendu dans la capitale sud-africaine. Mais Tsvangirai pose une autre condition à une éventuelle cohabitation avec son vieil ennemi : pour sortir le pays de la crise, le « gouvernement d’unité nationale » devra s’assigner pour mission principale d’organiser de nouvelles élections, libres et transparentes, dans un délai maximal de deux ans.
À Tokyo, le 7 juillet, alors qu’il informait les participants au sommet du G8 de l’existence de cette clause, le médiateur a été brusquement interrompu par Gordon Brown, le Premier ministre britannique : « Je ne peux pas accepter deux ans, c’est trop long ! » Réponse de Mbeki, manifestement irrité : « Laissez aux Africains le soin de régler les problèmes de l’Afrique. Vous avez une autre solution ? Quelle est-elle ? » Ambiance.
Cette prise de bec illustre à merveille ce qu’on pourrait appeler la « méthode Mbeki », tout entière fondée sur le « nationalisme africain » et déjà expérimentée en Côte d’Ivoire. Huit ans de pouvoir n’ont pas fait perdre à cet ancien dirigeant de la lutte antiapartheid ses réflexes « anti-impérialistes ». Le 9 novembre 2004, il avait été choqué de découvrir Abidjan placé en état de siège par la force française Licorne. Cette fois, il s’est offusqué de la sortie de Bernard Kouchner, le chef de la diplomatie française, indiquant que l’Union européenne « n’acceptera pas » un gouvernement qui ne soit pas dirigé par Tsvangirai.
Autre caractéristique de la méthode Mbeki : le refus des sanctions. Comme naguère en Côte d’Ivoire, il n’a cessé d’appeler l’UE et les États-Unis à suspendre celles (interdiction de visa, gel des avoirs) qui frappent Mugabe et les principaux dignitaires de son régime.
Cela n’a pas empêché, le 22 juillet, les ministres européens des Affaires étrangères réunis à Bruxelles de durcir les mesures adoptées à leur encontre. Trente-sept noms ont ainsi été ajoutés à la liste des 131 personnalités qui, depuis six ans, font l’objet de sanctions.
Avant de se rendre en France,?le 25 juillet, pour participer au sommet UE-Afrique du Sud, Mbeki a demandé que la question des sanctions contre le Zimbabwe, que les organisateurs de la rencontre auraient voulu occulter, figure en bonne place à l’ordre du jour.

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