À la recherche de la mémoire perdue
Pour satisfaire à un rite bien établi, les journalistes de Jeune Afrique ont choisi un livre qui les a marqués cette année. Résultat : beaucoup de valeurs sûres et quelques agréables pépites pour vos lectures de vacances.
Elvis nigérian
Lagos, à la fin des années 1970. Elvis, un adolescent désuvré, n’a qu’une idée en tête : fuir le bidonville marécageux où sa famille a échoué. Manuvre, danseur, escort boy, emballeur de drogue De petits boulots en gros trafics, il se trouve embarqué dans des aventures où il manque de perdre son âme et sa vie. Jusqu’à ce que son rêve se réalise lorsqu’il parvient à embarquer dans un avion en partance pour les États-Unis.
Captivant, le récit de Chris Abani est aussi une vaste fresque du Nigeria des années 1980, époque où le géant de l’Afrique de l’Ouest ployait sous une dictature militaire aussi cruelle que corrompue.
Avec ce texte qui perpétue la tradition du réalisme romanesque, cet universitaire de 41 ans installé aux États-Unis a réussi un tour de maître. Dominique Mataillet
Graceland, de Chris Abani, Albin Michel, 432 pages, 22,50 euros.
Le temps des utopies
Un récit à la première personne aussi émouvant qu’édifiant. Wassyla Tamzali, issue d’une grande famille bourgeoise algérienne, revient sur les traces de sa mémoire. Une mémoire qui se mêle à l’histoire de l’Algérie nouvellement indépendante. En 1957, son père est assassiné par une jeune recrue du FLN. Wassyla a 15 ans. Cela ne l’empêche pas d’épouser la cause de la guerre de libération ni d’adhérer à l’utopie révolutionnaire de l’Algérie d’après 1962. D’utopies en désillusions, le récit se fait sans concession. L’auteur a fini par s’exiler à Paris pour rejoindre l’Unesco, où elle a défendu vingt ans durant le droit des femmes. Un témoignage couronné du prix Essai France Télévisions 2008. Faïza Ghozali
Une éducation algérienne : de la révolution à la décennie noire, de Wassyla Tamzali, Gallimard, 260 pages, 22,50 euros.
Écriture au scalpel
Rares sont les écrivains qui parviennent à écrire une suite à un roman culte. L’Américain Jim Harrison a osé, avec succès. De Marquette à Veracruz retraçait le combat acharné d’un fils contre sa famille, dévastée par un père prédateur et rongée par une fortune acquise au bénéfice d’une catastrophe, la destruction des forêts du Grand Ouest, et d’un génocide, celui des Indiens. Retour en terre rend grâce à ce peuple : avant de s’échapper dans l’au-delà, Donald, métis chippewa-finnois, transmet à ses proches son héritage spirituel et la mémoire de ses aïeux. Dans une écriture au scalpel, ce magnifique récit décrit la beauté du Michigan – sans verser dans le pittoresque -, le pouvoir de la nature sur l’homme et le lien profond avec la terre. Jim Harrison est américain au plus profond de lui-même. Une Amérique nostalgique d’elle-même. Philippe Perdrix
Retour en terre, de Jim Harrison, Christian Bourgois, 336 pages, 23 euros.
La Shoah vue d’Algérie
Le meilleur roman de Boualem Sansal, bouleversant de bout en bout. Au départ, une histoire vraie : celle d’un officier nazi recyclé, pendant la guerre d’Algérie, en moudjahid. Après l’indépendance, Hans Schiller devient Si Mourad. Il prend femme et devient cheikh d’un village. Il aura deux garçons, Rachel (contraction de Rachid et Helmut) et Malrich, envoyés en France. En 1994, massacre du village par le GIA. Parmi les victimes, Si Mourad. Rachel découvre le passé de son père et reconstitue son itinéraire – et l’histoire de la Shoah. Submergé par un insondable sentiment de culpabilité, il s’immole. Malrich voit le nazisme à sa porte et au seuil des mosquées. Et l’assimile à l’islamisme. Les journaux des deux frères se croisent ou s’entrechoquent, nous entraînant dans les tragédies innommables d’hier et celles d’aujourd’hui que nous ne parvenons pas toujours à nommer. Hamid Barrada
Le Village de l’Allemand, de Boualem Sansal, Gallimard, 264 pages, 17 euros.
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