Kinshasa version électro

Les Kinois Konono No1 et Kasaï Allstars sortent simultanément deux albums de musique traditionnelle électrifiée. Retour sur une scène alternative et décalée… interdite de séjour en Europe pour cause de visas.

Publié le 27 juillet 2008 Lecture : 2 minutes.

Voici trois ans, le premier volume de la série Congotronics présentait un étonnant groupe kinois, Konono No1. Fondé il y a plus de vingt-cinq ans par Mawangu Mingiedi, un Angolais installé à Kinshasa, Konono No1 produit une musique inimitable faite de percussions et de trois likembés (instruments traditionnels composés de lamelles métalliques fixées à une caisse de résonance, parfois appelés sanzas ou « pianos à pouces »), électrifiés avec les moyens du bord.
La presse internationale s’est entichée rapidement du son « hors du temps » de cette mini-batucada de rythmes africains bizarrement amplifiés, qui rallie du rock à l’électronica à tel point que la chanteuse islandaise Björk a convié le groupe sur son single Earth Intruders, produit par Timbaland, puis sur scène à New York, en 2007.
Avec la parution début juin d’un live enregistré à Bruxelles en 2006 lors du festival belge Couleur Café, sur les terres du label Crammed Discs, qui l’a révélée, cette fanfare bancale et jubilatoire pourrait se réjouir sauf que la tournée estivale du groupe, de la Tate Gallery de Londres au festival Sonar à Barcelone entre autres, pour un total d’une vingtaine de concerts, a été empêchée par une affaire de visas et de passeports. « L’an dernier déjà, nous avions dû annuler onze dates », tempête leur manager, Michel Winter. Le groupe tournait pourtant en Europe depuis quelques années, et l’octroi à la dernière minute par le ministère de la Culture congolais de passeports de service n’y a rien fait Dommage.
Aux Eurockéennes de Belfort le 5 juillet, c’est Kasaï Allstars qui devait remplacer Konono No1, avant une nouvelle annulation, pour les mêmes raisons. Un album, paru trois jours plus tôt, marque les débuts discographiques de ce collectif d’une vingtaine d’artistes installés à Kinshasa, tous originaires du Kasaï. Une province de la taille de la France, enclavée au centre de la RD Congo, très riche en diamants, et à la spiritualité débordante Le titre de l’album, In the 7th Moon, the Chief Turned into a Swimming Fish and Ate the Head of His Enemy by Magic, évoque une légende locale, et pourrait être traduit par « À la septième lune, le chef se transforma en poisson et dévora la tête de son ennemi grâce à la magie ». « Nous travaillons tous ensemble pour perpétuer une certaine tradition, mais également créer une nouvelle unité, sans considération ethnique ou tribale », témoigne le griot Mputu Ebondo, alias Mi Amor, l’un des chanteurs.
À l’aide de likembés mais aussi de guitares électriques, cette formation, issue de cinq groupes ethniques distincts, ressuscite des chants et danses rituelles de la savane laminés à l’époque par le colonisateur, qui voyait là des danses érotiques et une transe à connotation satanique. « Aujourd’hui, ce sont les sectes religieuses dominantes qui bannissent cette culture », regrette l’artiste, avant de conclure : « La chanson populaire est le seul média accessible à tout le monde. Nous tentons à notre manière d’éduquer les gens. »
Derrière cette nouvelle aventure du label belge Crammed en RD Congo, on retrouve le défricheur Vincent Kenis, qui, après avoir compilé le meilleur de la rumba congolaise des années 1950, met en lumière cette nouvelle scène kinoise, qualifiée de « tradi-moderne ». À découvrir.

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