Hachemi Rafsandjani est élu président de la République islamique d’Iran
28 juillet 1989
Une allure de paysan matois, un visage presque imberbe et un turban blanc éternellement vissé sur la tête : Ali Akbar Hachemi Rafsandjani est déjà une figure de la politique iranienne lorsqu’il accède, le 28 juillet 1989, à la présidence de la République islamique, et devient, de facto, l’homme fort du régime, quelques semaines après la mort de l’imam Khomeiny. Le vote a été une pure formalité : avec 94,5 % des voix, Rafsandjani écrase Abbas Cheibani, un quasi-inconnu. Il s’agit d’une consécration pour cet hodjatoleslam de 54 ans, fils d’un petit marchand de Rafsandjan, un canton perdu de la province de Kerman, qui s’est enrichi dans le commerce de la pistache. Plus opportuniste qu’idéologue, l’homme doit moins son ascension à son charisme ou à ses qualités de tribun qu’à un art consommé de la manuvre. Il est l’un des rares dirigeants iraniens à avoir survécu à toutes les vicissitudes d’une révolution qui a dévoré nombre de ses enfants.
Étudiant en théologie au séminaire de Qom, Rafsandjani avait suivi les cours de Ruhollah Khomeiny, à la fin des années 1950, avant de devenir l’un de ses disciples les plus dévoués. Il est nommé ministre de l’Intérieur au lendemain de la révolution de février 1979. Un an plus tard, il accède à la présidence du Majlis, le Parlement iranien, qu’il dirigera pendant neuf ans. En 1988 – c’est le tournant décisif de sa carrière -, il est placé par l’Imam à la tête des forces armées, avec pour mission de redresser une situation militaire catastrophique : pris sous les feux croisés des fantassins de Saddam Hussein et de la marine américaine, l’Iran vient d’évacuer la presqu’île irakienne de Fao, conquise de haute lutte deux ans auparavant. Rafsandjani parvient à convaincre Khomeiny que le temps est venu d’accepter un cessez-le-feu. De son propre aveu, la potion est « plus amère qu’une coupe de poison », mais Khomeiny finit par accepter la résolution 598 du Conseil de sécurité de l’ONU du 18 juillet 1988.
Au faîte de son influence, Rafsandjani s’allie avec Ahmad Khomeiny, le fils de l’Imam, et avec Ali Khamenei, le président de la République. Au printemps 1989, les trois intrigants réussissent à évincer le grand ayatollah Hussein Ali Montazeri, dauphin officiel du Guide. En avril, Khomeiny, très affaibli, approuve l’idée d’une révision de la Constitution et du mode de désignation de son successeur : un conseil des experts est institué quelques jours avant son décès, le 3 juin 1989. Rafsandjani joue un rôle décisif dans l’intronisation d’Ali Khamenei à la fonction de Guide. Le départ de celui-ci de la présidence provoque des élections anticipées, couplées à un référendum constitutionnel prévoyant, notamment, la suppression du poste de Premier ministre et une concentration accrue du pouvoir entre les mains du président. Rafsandjani l’emporte haut la main.
Son arrivée aux affaires fait souffler un éphémère vent d’espoir. Il passe, à raison, pour un pragmatique, et, même s’il n’éprouve aucune espèce de tendresse pour le « Grand Satan » américain, prône une normalisation avec les États-Unis. Affaibli par huit années de guerre, l’Iran, exsangue, est en quête de respectabilité diplomatique et ne peut persévérer dans la ligne de l’Imam : le prosélytisme chiite et l’exportation de la révolution. Alors, dans la foulée de son élection, Rafsandjani reprend en main les services de renseignements, procède à une épuration en règle, ordonne aux Pasdarans, déployés dans la plaine libanaise de la Bekaa pour instruire les miliciens du Hezbollah et faire le coup de feu contre l’occupant israélien, de mettre un terme – provisoire – à leurs activités. Proche des milieux d’affaires et du « bazar », il est catalogué libéral. Les observateurs se prennent, un peu vite, à rêver d’une « perestroïka à l’iranienne » Las ! Après des débuts prometteurs, les huit ans de règne de Rafsandjani seront surtout marqués par l’immobilisme.
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