Pfizer dans la tourmente

Publié le 27 mai 2007 Lecture : 2 minutes.

Tous les ingrédients du scandale sont réunis. À la mi-mai, les autorités de l’État de Kano, le plus peuplé du Nigeria, ont déposé une plainte devant la Haute Cour locale contre le laboratoire américain Pfizer, numéro un mondial de l’industrie pharmaceutique. Elles lui reprochent d’avoir, en 1996, administré du Trovan, une molécule qui ne sera autorisée aux États-Unis que trois ans plus tard, à près de deux cents enfants atteints de méningite. Cinq malades en seraient morts, selon le procureur général de l’État, qui soutient qu’aucune autorisation n’a été accordée. Montant de l’indemnisation réclamée : 2,75 milliards de dollars. Si la réalité de ces tests pratiqués illégalement sur des enfants cobayes était démontrée, cela signifierait que Pfizer a enfreint la loi nigériane, bien sûr, mais aussi la déclaration internationale d’Helsinki sur l’éthique des essais cliniques et la Convention des Nations unies sur le droit des enfants.
Il aura donc fallu onze ans pour que le scandale éclate. En décembre 2000, après la publication par le Washington Post d’une enquête sur les tests pharmaceutiques pratiqués dans les pays en développement, le Nigeria met en place, l’année suivante, une commission d’enquête sur les événements de Kano. Les experts du ministère fédéral de la Santé rédigent ensuite un rapport dont les conclusions sont accablantes : Pfizer aurait bel et bien entrepris « l’essai clinique illégal d’une molécule non encore homologuée », en mettant à profit l’ignorance des patients. Et puis, plusieurs années durant, l’affaire en reste là, peutêtre parce que des responsables nigérians de premier plan s’y trouvent impliqués. Jusqu’à ce qu’en mai 2007 une main anonyme transmette au Washington Post un exemplaire du rapport d’enquête. Le quotidien en publie les principales conclusions dans son édition du 7 mai.
Pour sa défense, Pfizer affirme avoir obtenu l’accord des intéressés et leur avoir scrupuleusement expliqué la nature de l’expérience, « en anglais et en haoussa » (la langue parlée dans le nord du Nigeria). Il soutient également avoir toujours agi avec le consentement des autorités.
De son côté, Dora Akunyili, directrice générale de l’Agence nationale pour le contrôle de l’alimentation et des médicaments (Nafdac), reconnaît que son administration (dans laquelle elle n’était pas en poste à l’époque) a effectivement remis une autorisation à Pfizer, mais que ce document n’était pas conforme aux procédures en vigueur et ne portait pas la signature d’un haut responsable. Par ailleurs, elle souligne que le document attestant l’accord des autorités a disparu de l’Agence avant 2001, date de son arrivée. « Ils ont abusé d’un système peu fiable et notoirement corrompu », estime-t-elle. Les premières auditions ont été fixées au 4 juin.

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