Les femmes ont accéléré le pas

Publié le 27 mai 2007 Lecture : 5 minutes.

Non, je ne vous parlerai pas une fois de plus de l’élection présidentielle française et de ses lendemains, bien qu’il y ait beaucoup à en dire.
À mon avis, il faudra maintenant attendre le mois d’octobre prochain, voire un peu plus tard, pour commencer à discerner si le nouveau régime car c’en est un tient son rythme et ses promesses.
Mais cette compétition a suscité votre intérêt, en particulier parce qu’elle a vu :
– au finish, s’affronter une femme et un homme et ce dernier gagner aisément la partie, mais nullement parce que c’est un homme ;
– et, à son issue, se constituer un des tout premiers gouvernements de la planète où les femmes sont à quasi-parité avec les hommes.

Ce coup de projecteur sur un phénomène mondial, qui se signalait de plus en plus fort à notre attention, nous a permis de mieux voir que, dans leur longue marche vers un partage égalitaire du pouvoir avec les hommes, les femmes ont accéléré le pas.
Et que ce mouvement se renforce, même autour de cette Méditerranée réputée naguère être le paradis des machistes
Notre monde de 2007 reste cependant largement dominé par les hommes. Mis à part deux pays de l’Europe du Nord, la Suède et le Danemark, où l’exacte parité entre hommes et femmes est sur le point d’être atteinte, les gouvernements, les Parlements, les conseils d’administration et les directions générales d’entreprise sont encore dans la plupart des pays, même les plus développés, le domaine des hommes, à plus de 80 %.
C’est ainsi que sur les 192 pays membres des Nations unies, seuls 11 sont dirigés par des femmes (huit présidentes et trois Premiers ministres) ; que, dans les Parlements, le pourcentage des femmes n’est que de 17 % et qu’elles n’occupent que 14 % des postes ministériels ; qu’aux États-Unis, pays très développé, elles ne sont que 16 au Sénat (sur 100) et 71 à la Chambre des représentants (sur 435).

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Aussi étonnant que cela puisse paraître, en dehors de la Suède et du Danemark déjà cités, c’est dans deux petits pays africains, la Tunisie et le Rwanda, que les femmes occupent presque la moitié des hauts postes de responsabilité : Parlement, ministères, magistrature
La révolution féminine aura ainsi trouvé son premier ancrage dans quatre petits pays, dont deux sont l’heureuse exception africaine.
Une vingtaine d’autres pays, dont Cuba, l’Afrique du Sud et l’Espagne, ont choisi de « pousser à la roue » pour que s’accélère le mouvement qui donne aux femmes une place de plus en plus importante : ils ont décrété des quotas de l’ordre de 30 % dans leurs Parlements et leurs formations politiques.
La Suède, elle, a instauré la parité politique et économique par la loi, et 70 % des femmes de 15 à 64 ans ont un travail régulier et salarié (record du monde).

Mais l’annulation des effets d’une domination multimillénaire depuis que l’humanité existe, les hommes ont dirigé le monde et maintenu les femmes à l’arrière-plan est une entreprise de longue haleine.
Comme d’autres changements révolutionnaires, cette « mère des révolutions » mettra en effet des décennies, peut-être tout le XXIe siècle, à se réaliser pleinement : aboli depuis près de deux siècles, l’esclavage n’a pas complètement disparu ; devenue illégale aux États-Unis il y a quarante ans, la ségrégation raciale n’a pas, à ce jour, complètement perdu droit de cité, et l’apartheid sud-africain, jeté aux poubelles de l’Histoire il y a quinze ans, est toujours présent dans l’économie du pays de Mandela.

S’agissant de la révolution féminine, on peut, sans risque d’erreur, affirmer qu’elle a franchi deux « étapes substantielles et décisives », permettant de conclure qu’elle a déjà partie gagnée.
1. L’égalité des chances. Dans la plupart des pays développés et dans beaucoup de pays de l’ancien Tiers Monde 115 États membres de l’ONU sur 192 , les filles ont gagné la bataille de l’école et, plus largement, de l’éducation : elles sont aussi nombreuses que les garçons (et parfois plus nombreuses) à aller à l’école, au lycée ou collège et à l’université.
Quel que soit le cycle, et dans la plupart des disciplines, les résultats qu’elles obtiennent sont aussi bons voire meilleurs que ceux des garçons.
C’est en les écartant de l’école ou en leur en interdisant tout bonnement l’accès que les hommes avaient assis leur domination multimillénaire sur les femmes. Et c’est en se frayant un chemin vers le savoir, en s’ouvrant toutes grandes les portes des lieux où on le dispense, que les femmes ont brisé les chaînes de leur asservissement et gagné « la bataille de l’égalité des chances ».
2. La masse critique. Ce concept scientifique signifie « le minimum nécessaire pour qu’une réaction en chaîne puisse s’enclencher et se poursuivre ». Si nous le transposons à la relation homme-femme, nous découvrons, à la lumière de l’expérience, qu’il faut et il suffit que les femmes atteignent la proportion de 30 % dans un secteur d’activité ou un corps de métier pour qu’elles puissent « monter en puissance » : en deçà, elles ne sont qu’une minorité qu’on peut continuer d’opprimer à loisir.
Or, heureusement pour elles, les femmes sont en train de franchir ce seuil de 30 %, un peu partout et dans presque tous les domaines.
Heureusement pour elles, certes, mais en réalité pour l’humanité tout entière, car il est désormais établi que si les hommes et les femmes étaient véritablement égaux et complémentaires en fait comme en droit, dans la vie courante comme au travail , notre monde se porterait sensiblement mieux.
De fait, les experts et tous ceux qui ont étudié la question aboutissent à la même conclusion : si disparaissaient les discriminations à l’encontre des femmes, si, en conséquence, ces dernières étaient sur tous les continents plus et mieux éduquées par l’école et l’université, et si, enfin, elles accédaient au travail en plus grand nombre, les revenus nationaux des pays où tel serait le cas et par conséquent du monde s’en trouveraient augmentés de 10 % à 20 %.
Et le monde dans son ensemble verrait son taux annuel de croissance économique gagner 1 % environ.

En 2006, le revenu mondial s’est élevé à 50 000 milliards de dollars et, comme on le sait, il augmente de 5 % à 5,5 % par an.
La révolution féminine gratifierait donc l’humanité de quelque 500 milliards de dollars de plus par an : cinq fois le montant de l’aide annuelle au développement des pays pauvres.
Cela donne une petite idée de ce que nous coûtent sur le seul plan matériel les discriminations à l’encontre de la moitié des êtres humains.

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