« Fils de »

Publié le 27 mai 2007 Lecture : 2 minutes.

Du roi Mohammed VI à Joseph Kabila, de Bachar el-Assad à Abdallah de Jordanie, demain peut-être Gamal Moubarak et Seïf el-Islam Kadhafi, être « fils de » est à la fois un destin, une servitude et une chance. Étrange, comme le parcours de vie de ces héritiers se ressemble et se répète. Cela commence toujours ou presque par une enfance choyée et une jeunesse aussi dorée qu’insouciante. Puis vient le temps de l’adolescence, où l’on s’oppose par principe au père omniprésent, encombrant, étouffant : c’est l’époque des bêtises, parfois des frasques, celle aussi où l’on rêve de chemins de traverse. Par esprit de révolte et de provocation, on se voit tout sauf chef d’État : businessman, jardinier, jet-setteur, cosmonaute, ce qu’on voudra, pourvu que cela contrarie les projets paternels. La maturité venant, l’ambition aussi, les « fils de » découvrent la politique, ses dangers et ses plaisirs. Rivé sur le père, l’il est toujours critique, mais avec intelligence. On jure que, le jour venu, on ne fera pas comme lui. On se constitue un cercle d’amis fidèles et obligés de son âge et l’on snobe les courtisans ringards de papa – lesquels brûlent chaque jour des cierges pour qu’« il » vive à jamais.

Et puis, l’inéluctable arrive. La statue du commandeur s’effondre et l’on se retrouve seul, un peu nu et très désorienté, à sa place. Intrigues, manuvres, manipulations : les débuts sont délicats, d’autant que nul parmi les observateurs patentés ne parie un sou sur les chances de survie au pouvoir de l’héritier – si seul, si fragile, si naïf Il faut donc s’imposer d’abord, montrer qu’on est le chef, nettoyer les écuries d’Augias. Démontrer aussi, par une rupture de ton et de style, que rien ne sera plus comme avant et que le peuple a eu raison de décréter l’état de grâce. Impulser, enfin, une nouvelle politique, laquelle ne peut être que d’ouverture, laquelle ne peut que répondre à la faim de démocratie.

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Dans cet exercice difficile qui consiste à « tuer » symboliquement le père tout en faisant son deuil, certains ont réussi, d’autres non. Faure Essozimna Gnassingbé, fils de Gnassingbé Eyadéma, appartient jusqu’ici à la première catégorie, même s’il convient en permanence de le vérifier. Tel est en effet le destin des « fils de », condamnés à répéter chaque jour : « Lui, c’était lui. Moi, c’est moi. »

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