Un diplôme pour visa

Féminisé, rajeuni, diversifié mais toujours très urbain, le profil de la diaspora en France a fortement évolué depuis les années 1960.

Publié le 27 avril 2008 Lecture : 4 minutes.

Si l’immigration maghrébine, notamment algérienne, vers la France est un phénomène relativement ancien (la première phase de l’immigration algérienne date de 1905), celle de la main-d’uvre tunisienne est, quant à elle, plus récente. C’est à partir de 1956, date de l’indépendance, qu’une première vague importante d’immigration de Tunisiens est enregistrée en France. Dans les années qui suivent, particulièrement de 1960 à 1970, la conjoncture économique favorable de l’Hexagone contribue à amplifier le mouvement. Mais ce flux migratoire ne connaîtra véritablement son essor que dans les années 1970 et au début des années 1980, période pendant laquelle la population tunisienne de France sera, parmi les communautés étrangères, celle qui profitera le plus des régularisations de situation, avec plus de 22 000 cas enregistrés.

Un mouvement perpétuel et changeant
Aujourd’hui, les Tunisiens de France – près de 600 000 personnes, dont les deux tiers sont binationaux – représentent l’une des plus importantes communautés étrangères de l’Hexagone. Leur répartition sur le territoire français se caractérise par une forte concentration dans la région parisienne et dans les grandes villes, 40 % d’entre eux étant localisés à Paris, 12 % à Lyon et 8 % à Marseille. Cette nette préférence pour les grandes agglomérations s’explique par l’origine géographique des émigrants tunisiens. Une large majorité d’entre eux vient en effet de la région de Tunis et du littoral, qui sont les zones les plus urbanisées du pays. « Lorsque j’ai décidé de m’installer en France avec ma femme, voilà plus de dix ans, mon choix a été vite fait. C’était la capitale et nulle part ailleurs. Je suis originaire de Tunis et je ne me sens bien qu’en ville. Sans oublier que c’était là qu’il y avait le plus de besoins de main-d’uvre, notamment dans le bâtiment », témoigne Ali (56 ans), chef de chantier à Issy-les-Moulineaux, en banlieue parisienne. Ailleurs en France, les Tunisiens sont aussi surreprésentés dans les métropoles régionales telles que Bordeaux, Toulouse, Strasbourg et Lille.
D’une manière générale, chaque concentration d’immigrés tunisiens regroupe majoritairement des individus originaires de la même zone géographique. Dans les années 1970, les Tunisiens du Sud se dirigeaient essentiellement vers l’axe industriel et urbain de la vallée du Rhône ainsi que vers la capitale, qui constituaient de grands bassins d’emplois. Les migrants y installaient alors des « filières » de solidarité, qu’empruntaient ensuite leurs parents et proches arrivant de Tunisie. C’est ainsi, par exemple, que la région du Péage-de-Roussillon est devenue une terre d’accueil pour les M’Razigues (originaires de Douz).
Par ailleurs, l’émigration tunisienne, comme toute autre émigration, a connu d’importantes mutations, à la fois démographiques (avec le rajeunissement et l’émergence d’une deuxième et d’une troisième génération) et sociologiques (féminisation, naturalisation, intégration et sédentarisation dans le pays d’accueil). En effet, si les immigrés des années 1950 et 1960 étaient peu scolarisés – la plupart d’entre eux étaient paysans ou ouvriers -, ceux qui les ont suivis à partir de 1970 comptaient un grand nombre de jeunes ayant fréquenté l’école et de plus en plus de femmes. À l’origine masculine et adulte, la première vague d’immigration tunisienne de main-d’uvre a donc été remplacée par celle du regroupement familial, l’augmentation de la population immigrée devenant presque entièrement le fait des femmes et les effectifs respectifs des Tunisiens et des Tunisiennes tendant ainsi à s’équilibrer.
Aujourd’hui, la grande majorité des ressortissants installés en France travaille dans le secteur des services (hôtellerie, restauration, commerce de proximité) ou bien se sont tournés vers la création de petites entreprises. « Je suis coiffeuse depuis plus de quinze ans à Paris et, après avoir suivi une formation spécifique l’an dernier, j’ai décidé de créer ma propre boîte spécialisée dans le commerce équitable », explique Halima (42 ans). « Les femmes immigrées, et en particulier celles qui sont originaires du Maghreb, ont généralement plus de difficultés que les autres à occuper un emploi, qui plus est un emploi qualifié. Mais tout cela est en train d’évoluer dans le bon sens », renchérit Halima. Sans compter l’expatriation, temporaire ou durable, de jeunes talents très qualifiés, qui viennent grossir le rang des élites scientifiques et technologiques tunisiennes dans l’Hexagone. « J’ai quitté Kairouan pour Montpellier il y a cinq ans. Je voulais tenter ma chance en France et ça a marché », se félicite Kais, ingénieur dans une PME.

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La nouvelle donne de l’immigration choisie
Depuis 2007, la nouvelle politique d’immigration de la France, basée sur une immigration choisie, a déjà commencé à modifier le profil des migrants tunisiens, pour lesquels le diplôme est désormais devenu un indispensable sésame. À l’occasion de la visite de Nicolas Sarkozy, la Tunisie devrait d’ailleurs être le premier pays maghrébin à signer avec la France un accord de gestion concertée des flux migratoires. Celui-ci a été conçu dans le cadre d’une approche globale comprenant trois volets indissociables : l’organisation de la migration légale, la lutte contre l’immigration illégale et le codéveloppement. Mais des dispositions particulières ont été prévues pour les étudiants tunisiens, qui sont plus de 9 000 à s’être inscrits en France en 2007-2008. Ils pourront bénéficier de certaines facilités, notamment la possibilité de travailler sans autorisation préalable. Un programme « Jeunes Professionnels » destiné aux 18-35 ans offre aussi la possibilité de travailler en France pendant dix-huit mois afin d’acquérir une première expérience professionnelle. Par ailleurs, les personnes hautement qualifiées se verront accorder une carte « Compétences et talents » délivrée pour une période de trois ans, renouvelable une fois. Il en sera attribué plus de cinq cents par an, contre une moyenne de cent pour les pays subsahariens.

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