Les pirates connaissent la musique

Publié le 27 mars 2005 Lecture : 2 minutes.

Au Mali, pays célèbre pour sa richesse musicale, les deux principales maisons de production – Seydoni productions et Mali K7 – ont fermé, le 16 mars, victimes du piratage et de la concurrence déloyale. « Nous ne pouvons plus supporter les charges. Depuis trois mois, on ne peut plus payer le loyer, les salaires et les factures d’électricité… », indique Fousséni Traoré, directeur de Seydoni. « C’est simple, ajoute Philippe Bertier, patron de Mali K7, une cassette légale se vend 1 000 F CFA au consommateur, contre environ 500 F CFA pour une cassette piratée. Un CD légal ne peut pas se vendre à moins de 2 000 F CFA, alors que le même piraté est bradé à 750 ou 800 F CFA ! Dans ces conditions, plus possible de produire. » D’autant que les pirates sont de plus en plus rapides. Il y a quelques années, il leur fallait un ou deux mois pour copier une cassette, désormais ils le font en temps réel : moins de vingt-quatre heures après la sortie d’un album, des copies piratées inondent le marché. Aucun chiffre officiel n’existe, mais on estime que 98 % des cassettes vendues au Mali sont illicites.
Pris à la gorge, les deux directeurs ont donc fermé leurs unités de duplication et mis leur personnel (une cinquantaine de personnes au total) en chômage technique. « Si dans un mois le gouvernement n’a rien fait, nous serons obligés de licencier. Et la principale victime sera la culture malienne », explique Fousséni Traoré. Réaction des autorités : le Premier ministre a interpellé les ministres de la Justice, de la Sécurité intérieure, de l’Économie pour renforcer la lutte dans le domaine déjà engagée par le cinéaste Cheick Oumar Sissoko, ministre de la Culture. Ce dernier a notamment mis en place une brigade spécialisée – mais encore embryonnaire – et élaboré un avant-projet de loi visant à faire de la piraterie un crime et non plus un simple délit. Des actions trop limitées, comme il le reconnaît lui-même : « La situation est devenue inacceptable et la mobilisation actuelle est la seule façon de faire changer les choses. Aujourd’hui, les artistes et les producteurs s’organisent. La police coopère. Reste à savoir qui sont les pirates et qui les soutient. »
Jusqu’à présent, certaines opérations « coup de poing » avaient lieu pour saisir des stocks de cassettes et arrêter des trafiquants. Mais sans grand effet. « Les pirates sont le plus souvent relâchés, les procès n’ont jamais lieu et le piratage progresse, indique Philippe Bertier. Le ministre est très engagé dans ce combat, mais il n’a pas les moyens de travailler, et il ne peut pas gagner cette bataille tout seul ! Apparemment, le gouvernement semblerait enfin décidé à renforcer la lutte. Nous attendons de voir… »

Le 28 mars, une soirée de sensibilisation se tiendra à Bamako avec plusieurs artistes, dont Salif Keïta, Oumou Sangaré, Amadou et Mariam, Habib Kouyaté et Ali Farka Touré. C’est essentiel. Mais cela suffira-t-il ? « Le piratage va bien au-delà des frontières du Mali, estime Fousséni Traoré. Il ne sera durablement réduit que si la lutte contre le phénomène s’organise à l’échelle régionale, voire continentale. »

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