Bourguiba, entre la franchise et l’arabisme
Publié le 27 mars 2005 Lecture : 1 minute.
Pour Bourguiba, pas de problème, Israël est un fait colonial. Cela implique une position de principe extrêmement dure, intransigeante sur le fond, car le fait colonial doit comporter l’élimination absolue des colonisateurs – en l’occurrence, des sionistes. Mais cela posé, il faut être réaliste, regarder les choses en face, évaluer exactement ses propres possibilités et agir en conséquence, c’est-à-dire recourir, s’il le faut, à une solution pacifique, à tous les moyens permettant d’atteindre le but qu’on s’est fixé, procéder en tout cas par étapes calculées.
Nous sommes loin de la conception et du langage du président Nasser. […]
Avant Suez, on demeurait sceptique devant les tentatives risquées de Nasser. On s’inquiétait des répercussions qu’elles pourraient avoir sur le plan intérieur. Depuis Suez, les mythes sont brisés. L’homme de la rue, au Moyen-Orient arabe, a conscience que Nasser ne se laisse plus prendre à aucun hameçon. À une suprême concession de la République fédérale d’Allemagne – « stoppez les livraisons d’armes à Israël » – il répond par un défi. Qui peut alors invoquer la raison pratique ? Et voici que, précisément, par cette prise de position, le président Bourguiba brise ce crescendo. Au Moyen-Orient, et surtout en ce qui concerne le problème israélien, l’opinion est menée par le sentiment. Bourguiba n’a pas tenu compte de cet élément, pis encore, il n’a pas hésité à aller à contre-courant, comme il est souvent porté à le faire. Le choc dans ces conditions était inévitable.
Ce qui est à retenir dans cette crise, c’est que ni Bourguiba ni Nasser n’ont hypothéqué l’avenir. Si Nasser a répondu au président tunisien, c’est bien plus pour clarifier sa propre position que pour le critiquer. À Téhéran, le président Bourguiba lui a rendu la politesse en réaffirmant la solidarité de la Tunisie avec le monde arabe, en ce qui concerne le problème palestinien. Le dialogue entre les deux hommes peut se renouer. L’avenir semble ainsi préservé. Tout au moins, un espoir demeure.
