Fracture algérienne

Publié le 27 février 2005 Lecture : 2 minutes.

Voilà plus de vingt ans que les associations féminines attendaient ça : une réforme du code de la famille signé par le président Chadli le 9 juin 1984. Les uns après les autres, les dirigeants qui s’étaient succédé à la tête de l’Algérie avaient promis de le faire, sans jamais tenir parole. Les femmes avaient fini par ne plus y croire. Elles étaient devenues un simple enjeu électoral.
Pourtant, après la réélection du président Abdelaziz Bouteflika, le 8 avril dernier, avec 84,99 % des voix, les femmes s’étaient remises à espérer. Une commission de révision avait été installée. Ses conclusions, approuvées en août dernier en Conseil de gouvernement, prônaient la révision des articles jugés les plus discriminatoires, avec, en premier lieu, la suppression du tuteur matrimonial.
Malgré des conclusions qu’elles jugeaient « insuffisantes », la plupart des associations féminines s’étaient félicitées des « avancées » du texte révisé, allusion, entre autres, à la question du logement qui doit être assuré à la femme divorcée avec ses enfants. À l’inverse, les islamo-conservateurs avaient rejeté avec force les amendements concernant le tutorat et la polygamie. Les islamistes du Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas), pourtant membres de l’alliance gouvernementale, avaient même promis des actions « d’envergure » pour empêcher la révision du texte.
Le président de la République a fini par trancher le 22 février et donner son feu vert à la réforme. Un « avant-projet d’ordonnance » a été adopté en Conseil des ministres, faisant état des « avancées les plus significatives consacrées par le dispositif ». Sauf que la présence du wali, ou tuteur (père, frère, ou, à défaut, tout mâle de la famille), a été confirmée. Ainsi une femme, même majeure, ne peut se passer d’un tuteur pour conclure son contrat de mariage. Un « scandale » pour les associations féminines qui se disent « très choquées », à l’instar de Meriem Belaala, présidente de l’association SOS Femmes en détresse. « Maintenant, c’est encore pire, déplore l’intéressée. Le tutorat est maintenu. La polygamie est certes laissée à l’appréciation du juge, mais pour nous, ça revient au même. La dignité des Algériennes est de nouveau bafouée. Les femmes restent encore les victimes. » Colère également du côté du mouvement islamiste MRN-Islah d’Abdallah Djaballah, qui juge le texte « insuffisant ». « Nous ne sommes pas satisfaits, affirme le député Lakhdar Benkhallef. Nous avions émis vingt-trois réserves sur le texte qui avait été rendu par la commission en août dernier. Nous avons été suivis pour celle du tutorat. Il en reste maintenant vingt-deux qui ne sont conformes ni à la charia, ni même à la législation algérienne. Il faut que ce texte soit débattu à l’Assemblée populaire nationale. » Mais, s’agissant d’une ordonnance, le texte devrait être présenté sans débat aucun dès l’ouverture de la session de printemps, cette semaine. Les députés n’auront plus qu’à voter pour ou contre.

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