Raila Odinga

Chef du Mouvement démocratique orange et candidat à la dernière présidentielle kényane

Publié le 27 janvier 2008 Lecture : 3 minutes.

Nairobi, 24 janvier 2008 : Mwai Kibaki et Raila Odinga échangent une poignée de main, la première depuis la présidentielle du 27 décembre. Côte à côte, les ennemis d’hier sourient, mais ne se regardent pas. Leurs visages expriment tout à la fois la crispation et la satisfaction. L’inquiétude et l’espoir. À l’image de leur geste, promesse d’apaisement dans un Kenya endeuillé par des violences qui ont fait au moins 800 morts et 250 000 personnes déplacées, et porte ouverte à un arrangement entre politiciens, au mépris de cette démocratie dont Raila Odinga, le vainqueur dépossédé de sa victoire, a fait son cheval de bataille.
Après vingt-cinq ans de quête du pouvoir, trois séjours en prison dans les années 1980, un exil en Norvège en 1991 et de douloureuses contorsions idéologiques, Raila Odinga, 63 ans, est tout près du but. Non pas celui que, les yeux tantôt injectés de sang, tantôt embués, il assène à ses partisans, la verve populiste et le geste belliqueux : faire admettre à Mwai Kibaki, membre de « cette petite clique assoiffée de sang qui tente de s’accrocher au pouvoir à tout prix », qu’il a perdu l’élection. Mais celui qui l’anime depuis presque toujours, lui, l’héritier, le fils du premier vice-président du Kenya, Jaramogi Oginga Odinga, l’un des pères de l’indépendance, que son camarade de lutte, Jomo Kenyatta, le premier chef de l’État, a fini par renier et humilier en le jetant en prison, en 1966 : diriger. Dans cette ambition se mêlent le désir de venger son père, mort en 1994, et celui de détenir le pouvoir, le vrai, l’exécutif, pas seulement celui de simple député de Langata – une commune de Nairobi où se situe Kibera, le plus grand bidonville de la capitale -, qu’il est depuis 1992.

Alors, si grâce aux bons offices de Kofi Annan, médiateur de la crise sous l’égide de l’Union africaine, Mwai Kibaki venait à lui proposer un véritable poste de Premier ministre, consistant, avec de solides prérogatives, le « fils de » pourrait bien ravaler sa colère et accepter. Il l’a laissé entendre au sortir de son premier entretien avec Kofi Annan. Et, premier gage de bonne volonté, a demandé à son parti, le Mouvement démocratique orange (ODM), d’annuler les manifestations prévues à travers tout le pays. Quitte à trahir ses partisans, auxquels il a pourtant promis, l’écume aux lèvres, que la « lutte se poursuivra tant que la justice ne l’aura pas emporté ». Face à eux, ce jour-là, à Kisumu, la capitale de sa province natale du Nyanza (sur les rives du lac Victoria), c’est le tribun qui parle, l’ancien étudiant en génie mécanique dans l’Allemagne de l’Est des années 1960, le guérillero qui a prénommé l’aîné de ses quatre enfants Fidel, en hommage à Castro (et sa petite dernière Winnie, pour Winnie Mandela). « Je sais que vous êtes en colère et vous avez raison de l’être. Votre victoire a été volée par ceux-là mêmes qui sont en train de vous tuer », lance-t-il aux 30 000 fidèles réunis dans le stade Moi, faisant clairement allusion aux partisans de Mwai Kibaki, pour l’essentiel kikuyus, majoritaires dans le pays. Dans un Kenya à fleur de peau, ces accents virulents peuvent faire des ravages qu’Odinga, qui est luo (11 % de la population), ne saurait ignorer. L’ONG Human Rights Watch a d’ailleurs accusé les membres de l’opposition d’avoir encouragé les violences interethniques au cours desquelles les Kikuyus ont payé le prix fort.
Mais quand Odinga est dans le huis clos d’une salle de négociations, le militant vindicatif laisse place à l’homme politique calculateur. En 2002, pour mettre fin au régime pourrissant du chef de l’État Daniel arap Moi – qui lui a fait passer son premier séjour en prison, en 1982 -, alors ministre de l’Énergie, il déserte la Kanu, le parti au pouvoir depuis 1963. Il entre dans la formation arc-en-ciel, qui porte, la même année, Mwai Kibaki à la présidence. Odinga sera ministre des Travaux publics. L’attelage durera trois ans : en 2005, il est limogé pour s’être opposé à la nouvelle Constitution que le chef de l’État soumet au peuple par référendum. L’allié d’hier estime que le projet de Loi fondamentale ne tient pas compte de l’accord passé avec la Coalition arc-en-ciel, en 2002. Son exigence principale à l’époque ? Un partage du pouvoir avec la création d’un poste de Premier ministre fort, que « Agwambo » (« le dur », en luo) lorgne tout naturellement. Comme aujourd’hui.

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