Quand la Banque mondiale se justifie

Publié le 26 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

La Banque mondiale se remet en question dans son action d’accompagnement de la reconstruction en République démocratique du Congo. Dans une note confidentielle publiée par le Financial Times le 17 novembre 2006, l’institution financière admet que son rôle dans la signature de trois contrats miniers, l’année dernière, et, plus globalement, dans la gestion opaque des fonds destinés à la reconstruction par le gouvernement congolais peut être interprété comme une « complicité et/ou une approbation tacite ».
Selon des organisations non gouvernementales (ONG) et des diplomates travaillant en RDC, la Banque ferme les yeux sur la corruption du gouvernement et « tombe dans de vieux pièges pour de nouvelles raisons ». Au début de cette année déjà, le département chargé du contrôle des opérations de la Banque a diligenté une enquête. Elle porte sur des allégations accusant les instances gouvernementales congolaises de mauvaise gestion dans l’utilisation suspecte de plusieurs centaines de millions de dollars. L’argent était destiné à l’accélération du processus de désarmement des milices et à des projets de reconstruction. Les résultats des audits n’ont pas encore été rendus publics.
Cette fois, la controverse est partie du fait que des contrats miniers – trois joint-ventures – ont été signés sans aucun appel d’offres international entre la compagnie à capitaux publics Gécamines et des multinationales minières, alors que la Banque mondiale était très impliquée dans le processus de réforme du secteur minier, principale source de revenus de l’État. Une telle signature est en contradiction avec la politique impulsée par le nouveau président Paul Wolfowitz, qui fait de la transparence dans la gestion une condition de l’obtention des prêts.
Selon un expert proche du dossier, les contrats, qui portaient sur au moins 75 % des réserves minières de la Gécamines, n’avaient pas fait l’objet d’une « évaluation sérieuse et complète ». En conséquence, la note estime que les gains des multinationales étrangères sont trop élevés et dépassent « les normes d’usage dans le secteur minier ».
Cependant, à la décharge du groupe d’institutions financières, la note ajoute que les contrats ont été signés avant que la Banque mondiale puisse envoyer une équipe d’experts qui seraient chargés de la restructuration préalable de l’entreprise. Ce qui aurait évité la signature de contrats contestés.
Réserves comparables de la part du Fonds monétaire international (FMI). Le mois dernier, une note du FMI indiquait déjà que les écarts de gestion du gouvernement congolais étaient de nature à compromettre durablement les équilibres macroéconomiques du pays. Au début de l’année, le Fonds a suspendu le pays de l’initiative de réduction de la dette pour les pays pauvres très endettés, qui aurait effacé des milliards de dollars de dette. Aujourd’hui, la dette extérieure de la RDC est estimée à 14 milliards de dollars. Et très peu de signaux montrent une amélioration de la gouvernance.
Certes, du temps du Zaïre, allié régional des États-Unis pendant la guerre froide, FMI et Banque mondiale continuaient d’octroyer des prêts au régime en place, tandis que le maréchal Mobutu siphonnait les ressources des compagnies minières du pays.
Au moment où la Banque recommence à prêter de l’argent au Congo, en 2003, le pays sort de la guerre et compte des millions de déplacés. Il est en proie à la famine, et les infrastructures sont détruites. Le secteur minier est saigné à blanc par les rebelles, les armées étrangères et le gouvernement, pour financer l’effort de guerre. La Banque se justifie en disant qu’elle n’a pas eu d’autre choix que de coopérer avec le gouvernement transitoire regroupant les factions belligérantes.
Jusqu’en 2002, un expert, International Mining Consultans (IMC), commis par la Banque, travaille à la réforme du secteur. IMC a recommandé notamment que les administrateurs cooptés par le gouvernement soient remplacés. La Banque collabore également à la mise en place du code minier en 2002. Jean-Michel Happi, représentant-résident du groupe Banque au Congo soutient que les audits commandités à la Gécamines pourraient engager le gouvernement congolais à décider une éventuelle renégociation des contrats.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires