Il est temps de parler aux mauvais garçons

Publié le 26 novembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Désormais, la seule manière pour l’Amérique de s’extirper d’Irak sans trop de déshonneur, tout en limitant le conflit sur place, est d’appeler à la rescousse les voisins de Bagdad. Ils sont les seuls qui ont à la fois les moyens de maîtriser les factions qui se battent en Irak et un intérêt vital à empêcher le pays de totalement sombrer. Cela implique de faire ce que des hommes politiques américains des deux bords ont, à titre individuel, préconisé, mais que l’administration Bush et la direction du Parti démocrate ont, toutes les deux, immédiatement rejeté : ouvrir des pourparlers directs, sans conditions préliminaires, avec les Iraniens et les Syriens. Ils forment, avec les Saoudiens et les Turcs, les composantes essentielles d’une entente régionale capable de contrôler, au moins en partie, la situation en Irak après le départ des États-Unis. Ce qui signifie qu’il faudra probablement accepter un Irak fédéral de facto, divisé en différentes régions recoupant les trois principaux groupes ethnico-religieux – ce qui est de toute façon en train de se faire.

Cependant, tous les pays qui ont une frontière commune avec l’Irak s’opposent à une partition qui accorderait à chacune des trois régions une indépendance à part entière. Ils pourraient donc être prêts à fournir des forces qui éviteraient au moins une guerre civile totale et conserverait à Bagdad le statut de capitale nationale neutre.
Aucun des voisins de l’Irak ne veut d’une guerre civile qui l’exposerait au risque de devoir soutenir des camps opposés et qui remettrait en cause la stabilité dans toute la région. Les États-Unis ont, eux aussi, un intérêt vital à empêcher une telle issue, compte tenu notamment des implications d’un tel conflit sur le prix du pétrole et sur la propagation de l’islamisme radical. Pour l’Amérique, associer l’Iran et la Syrie à des pourparlers régionaux reviendrait à engager un processus de construction de confiance mutuelle qui pourrait permettre aussi de progresser sur d’autres problèmes cruciaux, tels que le programme nucléaire iranien, les relations avec le Hezbollah et avec Israël, la paix israélo-palestinienne et l’avenir de l’Afghanistan.

la suite après cette publicité

Il est essentiel que la future stratégie américaine, quelle qu’elle soit, considère ces questions comme étant liées, et cesse de vouloir les résoudre isolément, ce qui est peine perdue. Grâce en grande partie à l’Amérique elle-même, l’Iran a aujourd’hui renforcé sa position dans la région. Tenter d’empêcher Téhéran d’exercer une influence majeure en Irak et en Afghanistan est désormais impossible. Et, aussi regrettable que cela puisse être, le soutien de l’Iran au Hezbollah dans son combat contre Israël est approuvé par la majorité des musulmans. En continuant, dans ces conditions, à refuser de parler directement avec Téhéran, l’Amérique se fait plus de mal qu’elle n’en fait à la République islamique. Nouer le dialogue avec Téhéran et Damas revient, pour les États-Unis, à perdre en partie la face. Et tout accord global avec ces pays se fera sur des bases très éloignées des désirs américains et israéliens. Mais le jeu en vaut la chandelle

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires