Une menace planétaire, un défi mondial

Publié le 26 août 2007 Lecture : 7 minutes.

Notre maison – la Terre – est en danger. Ce n’est pas tant la planète elle-même qui est menacée mais les conditions qui en font un milieu habitable pour les êtres humains.
Sans réaliser les conséquences de nos actions, nous nous sommes mis à rejeter tellement de dioxyde de carbone dans la fine couche d’air qui enveloppe le globe que nous avons littéralement modifié l’équilibre thermique entre la Terre et le Soleil. Si nous ne cessons pas d’urgence, la température moyenne augmentera jusqu’à atteindre des niveaux que les humains n’ont jamais connus auparavant et rompra l’équilibre climatique dont dépend notre civilisation.
Depuis cent cinquante ans, dans une frénésie croissante, nous extrayons du sol des quantités de plus en plus grandes de carbone (principalement sous forme de charbon et de pétrole) que nous brûlons si bien que nous rejetons dans l’atmosphère 70 millions de tonnes de CO2 toutes les 24 heures.
La concentration de CO2 – qui n’a jamais dépassé 300 parties par million (ppm) depuis au moins un bon million d’années – est passée de 280 ppm au début de la révolution industrielle à 383 ppm cette année.
De nombreux scientifiques nous alertent sur le risque d’atteindre un « point de rupture » qui pourrait, dans la décennie à venir, rendre irréversibles les dégâts causés à la planète.

Au cours des derniers mois seulement, de nouvelles études ont démontré que la calotte glaciaire au pôle Nord fondait à une vitesse trois fois supérieure aux prévisions les plus pessimistes. Si nous ne prenons pas les mesures qui s’imposent, les neiges éternelles pourraient disparaître en moins de trente-cinq ans. De même, à l’autre bout de la planète, dans l’Antarctique Ouest, à proximité du pôle Sud, des scientifiques ont trouvé de nouvelles traces de fonte des glaces sur une surface aussi vaste que la Californie.
Ce n’est pas une affaire politique. C’est une question morale qui touche à la survie de l’humanité. Ce n’est pas une affaire de droite ou de gauche ; c’est une question de bien et de mal. En clair, nous avons tort de détruire ce qui rend notre planète viable et de ruiner ainsi les espoirs de toutes les générations futures.
Le 21 septembre 1987, le président Ronald Reagan déclarait : « À force d’être obsédés par les antagonismes du moment, nous oublions souvent les très nombreuses choses qui unissent les hommes. Sans doute avons-nous besoin d’une menace à la fois extérieure et universelle pour admettre ce lien collectif. Parfois, je pense à la vitesse avec laquelle nos différences s’évanouiraient si nous devions affronter une menace étrangère venue d’un autre monde. »
Nous tous – chacun à titre individuel – faisons face à une menace planétaire. Sans pour autant venir d’un autre monde, cette menace n’en a pas moins une portée cosmique.
Méditons l’histoire de la Terre et de Vénus. Elles sont de taille presque identique et disposent de quasiment la même quantité de carbone. La différence étant que la plupart du carbone sur Terre est enfoui dans le sous-sol – déposé là par de nombreuses formes de vie au cours des 600 millions d’années écoulées – tandis que la majeure partie du carbone sur Vénus se trouve dans l’atmosphère. Résultat : sur Terre, la température moyenne atteint un agréable 15 °C, alors qu’elle est d’environ 464 °C sur Vénus. Certes, Vénus est plus proche du Soleil que nous le sommes, mais la différence ne vient pas de là ; Vénus est trois fois plus chaude que Mercure, qui est beaucoup plus proche du Soleil. Le responsable est le dioxyde de carbone.

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Cette menace exige, comme celle évoquée par Reagan, que nous nous unissions en vertu de notre lien commun. Samedi 7 juillet 2007, sur les sept continents, le concert mondial pour la planète Live Earth invitait tous les êtres humains à mener une campagne sur trois années afin de faire prendre conscience à chacun de la nécessité critique de lutter contre le changement climatique avant qu’il ne soit trop tard. Chaque habitant de notre planète constitue une part de la solution, selon les termes mêmes de la formule de Buckminster Fuller1, « si le succès ou l’échec de cette planète, et des êtres humains, devait dépendre de ma façon d’être et de ma façon de faire, quelles seraient alors ma façon d’être et ma façon de faire ? ».
Live Earth répond à cette question en demandant à tous ceux qui assisteront à ces concerts de s’engager personnellement par écrit à prendre des mesures ?adaptées pour lutter contre le réchauffement du climat (pour plus de détails sur ce pacte, voir le site ?www.algore.com). Les actions individuelles devront aussi façonner et guider l’action gouvernementale. Ici, les Américains ont une responsabilité toute particulière. Durant la plus longue partie de leur courte histoire, les États-Unis et le peuple américain ont servi de référence au reste du monde. L’adoption de la Déclaration des droits – The Bill of Rights -, l’inscription de la démocratie dans la Constitution, la victoire sur le fascisme lors de la Seconde Guerre mondiale, la lutte contre le communisme, les premiers pas de l’homme sur la Lune tout cela résulte du rôle moteur joué par les États-Unis.
Encore une fois, les Américains doivent s’unir et amener notre gouvernement à relever ce défi mondial. Cela ne peut se faire sans eux et ils se doivent de donner l’exemple : c’est la condition sine qua non du succès.
À cette fin, nous devons exiger que notre gouvernement signe sous deux ans un traité international qui réduirait d’ici à 2050 les émissions de dioxyde de carbone de 90 % dans les pays industrialisés et de plus de la moitié dans les autres pays, soit suffisamment à temps pour que les générations futures héritent d’une planète saine.
Je suis fier de mon rôle dans les négociations du protocole de Kyoto sous l’administration Clinton. Mais ce protocole a été tellement diabolisé aux États-Unis qu’il ne pourra probablement jamais y être ratifié – de la même manière que l’administration Carter a été empêchée de ratifier un traité de non-prolifération militaire en 1979. D’autant que les négociations porteront désormais sur un accord encore plus restrictif. Ainsi, de même que Reagan a renommé et modifié l’accord Salt (l’appelant Start) après la reconnaissance tardive de sa nécessité, notre prochain président devra immédiatement se concentrer sur la conclusion rapide d’un nouvel accord, éventuellement plus contraignant. Nous devons signer ce traité avant la fin de l’année 2009 – et non pas attendre 2012, comme cela est prévu actuellement.

Si, avant 2009, les États-Unis mettent déjà en uvre une politique nationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et si l’on donne à l’industrie les moyens de réduire fortement ses émissions de carbone, je suis certain que nous pourrons parvenir rapidement à un nouvel accord. Après tout, il s’agit d’une urgence planétaire.
Bien sûr, le nouveau traité comportera toujours des clauses spécifiques. Il sera demandé à chaque pays de remplir des conditions en fonction de son importance, de son implication dans le problème et de sa capacité propre à supporter le poids du changement. Il n’existe aucune autre solution.
Certains flatteront la fibre xénophobe ou avanceront des arguments étroitement nationalistes pour obtenir que chaque pays soit traité sur un pied d’égalité. Mais les pays qui produisent un cinquième de notre produit intérieur brut – des pays dont l’impact sur la crise actuelle est insignifiant – devront-ils porter sur leurs épaules le même fardeau que les États-Unis ? Avons-nous à ce point peur de ce défi pour ne pas montrer la voie ?
Nos enfants ont le droit de l’exiger de nous puisque c’est leur avenir – en fait, l’avenir de l’espèce humaine tout entière – qui est en jeu. Ils méritent mieux qu’un gouvernement qui censure les preuves scientifiques et harcèle d’honnêtes chercheurs qui essaient de nous avertir de la catastrophe qui se profile. Ils méritent mieux que des politiciens qui se tournent les pouces et ne font rien pour relever le plus grand défi auquel l’humanité ait jamais été confrontée – alors même que le danger est imminent.

Nous devrions plutôt nous focaliser sur l’opportunité que représente ce défi. Indiscutablement, ?cela créera de nouveaux emplois et générera davantage de profits pour les entreprises puisqu’elles devront ?se battre pour tirer parti des énormes possibilités ?économiques qu’offre un futur fondé sur des énergies propres.
Mais il y aura un bénéfice encore plus précieux à faire ce qui est juste. Le changement climatique nous donne l’occasion de vivre ce que nos prédécesseurs ont rarement eu le privilège de connaître au cours de l’Histoire : une mission pour une génération ; un fascinant devoir moral ; une cause commune ; et le sentiment exaltant d’être contraint par les circonstances de mettre de côté les vains conflits politiques pour épouser un authentique combat moral et spirituel.

© The New York Times et Jeune Afrique 2007.
Tous droits réservés.

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Par Al Gore, vice-président des États-Unis de 1993 à 2001, président de l’Alliance pour la protection du climat.
2. Richard Buckminster Fuller (12 juillet 1895-1er juillet 1983), architecte, inventeur et écrivain américain.

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