Qui a voulu tuer le repenti ?

Ex-émir des GIA reconverti dans les affaires, Mustapha Kertali échappe par miracle à un attentat.

Publié le 26 août 2007 Lecture : 3 minutes.

Un vrai miraculé ce Mustapha Kertali ! Après avoir maintes fois filé entre les doigts des services de sécurité lancés à ses trousses pendant la « sale guerre », puis échappé aux purges déclenchées par ses anciens compagnons des Groupes islamiques armés (GIA), ce repenti vient de sortir vivant d’un attentat minutieusement préparé pour ne lui laisser aucune chance de survie. « Vu la force de la déflagration et l’état du véhicule dans lequel il se trouvait, on n’arrive pas à croire qu’il s’en soit sorti », confirme un témoin.
Mardi 14 août. À Larbaa, dans la Mitidja, à une trentaine de kilomètres d’Alger, Kertali (55 ans), un ancien émir des GIA converti à la politique de la réconciliation nationale, s’est levé comme de coutume aux aurores. Il quitte sa villa et prend la direction de la mosquée Hamza, où il a ses habitudes. Après la prière de l’aube, il regagne son automobile, une Clio bleue, et décide de rendre visite à des proches. Quelques centaines de mètres plus loin, le véhicule est soufflé par une violente explosion. Grièvement blessé, Kertali est évacué vers un hôpital d’Alger, où les médecins l’amputent de la jambe droite, déchiquetée par des éclats métalliques. C’est la première fois que l’ex-chef d’un groupe armé est la cible d’un attentat. D’où un certain nombre de questions.
Qui a voulu éliminer Kertali ? Élu maire de Larbaa, en juin 1990, sur la liste du Front islamique du salut (FIS), celui-ci prit ultérieurement le commandement de la Katiba Errahmane, l’une des phalanges les plus sanguinaires des GIA, pendant la « décennie noire ». En janvier 2000, il a bénéficié d’une grâce présidentielle et s’est aussitôt lancé dans le business. Il compte à coup sûr d’innombrables ennemis. Journaliste au quotidien El Watan et spécialiste des questions sécuritaires, Salima Tlemçani soupçonne que ses anciens acolytes des GIA, encore nombreux à Larbaa, ont pu vouloir « lui faire payer son abandon de la lutte armée et son ralliement au pouvoir ». Possible, mais d’autres hypothèses sont envisageables.
Placé sous le châssis de la voiture, l’engin explosif a été actionné à distance grâce à un téléphone portable. Un mode opératoire qui évoque irrésistiblement l’ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), rebaptisé al-Qaïda au Maghreb islamique depuis son ralliement à Oussama Ben Laden. Dans un communiqué diffusé sur Internet, l’ex-GSPC a d’ailleurs revendiqué la paternité de l’attentat, en précisant toutefois qu’il s’agissait d’un « acte isolé » commis par l’un de ses membres. Faut-il accorder davantage de crédit à cette thèse ?
Depuis plusieurs mois, les jihadistes, rejetant la main tendue par le président Bouteflika, multilplient les attentats qui visent indifféremment militaires et civils. Le 11 avril, trois kamikazes ont ainsi fait exploser des voitures piégées devant le Palais du gouvernement, à Alger, et devant un commissariat de police à Bab Ezzouar, à une dizaine de kilomètres de là. Bilan : une trentaine de morts. Quatre mois plus tard, jour pour jour, une dizaine de soldats ont trouvé la mort dans une attaque-suicide contre une caserne de Lakhdaria, à l’est de la capitale.
Mais l’« émir » repenti a tout aussi bien pu être victime d’une vendetta. Longtemps, il a fait régner la terreur dans la région de Larbaa. Ses victimes se comptent par centaines. « Je n’ai jamais donné l’ordre de tuer des civils, sauf ceux qui travaillaient pour les services de sécurité », avouait-il en septembre 2005. Cela représente beaucoup de monde. À l’époque, la neutralité était impossible : ceux qui n’étaient pas avec islamistes étaient considérés comme des suppôts du pouvoir. « Il est certain que les familles des victimes n’ont jamais pardonné aux assassins et qu’elles admettent très mal que d’anciens terroristes aient pu être absous par les autorités. Pourtant, les cas de vengeance contre des repentis sont rares », analyse un autre journaliste.
Sur son lit d’hôpital, Mustapha Kertali reste évasif. Les commanditaires de l’attentat contre lui ? Des « ennemis de la réconciliation nationale », estime-t-il. Certes, il s’attendait à être pris pour cible, mais jure n’avoir reçu « aucune menace explicite ». En attendant une éventuelle revendication ou, qui sait, les conclusions de l’enquête des services de sécurité, ses amis de l’Armée islamique du salut (AIS), la branche militaire du FIS dissoute en janvier 2000, profitent de l’occasion pour réitérer leur habituelle revendication : que les autorités accordent aux anciens responsables islamistes le droit de créer un parti politique.

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