Khartoum : le grand bond en avant ?

La capitale économique porte encore les stigmates des violences passées, mais tente de tourner la page. Tant bien que mal.

Publié le 26 août 2007 Lecture : 2 minutes.

Loin des images de massacres et de réfugiés auxquelles nous ont habitués quatre années de conflit au Darfour, le Soudan possède un tout autre visage : celui d’un pays en plein boom économique. À Khartoum et dans sa périphérie, des grues prolifèrent de tous côtés pendant que les bulldozers s’activent à la construction de routes à voies multiples et de grands immeubles de bureaux. Des milliards de dollars ont été investis dans le pays depuis plusieurs années, grâce au développement de l’industrie pétrolière dont le décollage a coïncidé avec l’envolée des prix du baril et l’accroissement des besoins de la Chine, principal client du Soudan.
Dès l’arrivée à l’aéroport de Khartoum, le spectacle est saisissant : expatriés et consultants privés se bousculent dans le très spacieux nouveau hall. Aux abords de l’aéroport, un point de vente Toyota – véhicules grands modèles – ainsi que le premier hôtel de luxe « à l’occidentale », construit par le groupe arabe Rotana Hotels, viennent d’ouvrir leurs portes. En ville, sur le bord du fleuve Nil Bleu, se construit un complexe hôtelier encore plus somptueux, en forme de voile de bateau à l’image du célèbre Burj Al-Arab de Dubaï – ce qui en dit long sur les ambitions de Khartoum.

Le restaurant niché au dernier étage de ce bâtiment, financé par la Libye, offre une vue qui donne la mesure de la transformation de la capitale. Un pont suspendu en cours de construction s’apprête à enjamber le Nil Bleu et le Nil Blanc. Ailleurs, un quartier d’affaires, avec ses immeubles, ses villas et ses hôtels, semble jaillir d’un immense terrain vague. Le prix des loyers a d’ailleurs flambé : un studio peut se louer jusqu’à 1 000 dollars par mois, beaucoup plus que le revenu moyen annuel d’un Soudanais.
Pourtant, au milieu des années 1990, le pays était loin d’être engagé sur cette voie. Longtemps suspecté d’héberger des activistes terroristes, le Soudan a connu une longue période d’isolement international dont il peine à sortir complètement aujourd’hui. La crise du Darfour a entravé la reprise de la coopération occidentale et la levée des sanctions économiques. Malgré cela, et en dépit de la fragilité de son État (l’un des plus instables du monde avec ceux de l’Irak et du Zimbabwe selon un classement de la Fondation Carnegie pour la paix internationale), le Soudan a enregistré des progrès économiques considérables.

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Ainsi, le produit intérieur brut (PIB) a crû l’an dernier de 9 %, tandis que les investissements directs étrangers (IDE) atteignaient un montant record de cinq milliards de dollars, le deuxième d’Afrique. Avec une production passant de 160 000 barils/jour en 2000 à 480 000 barils/jours actuellement, les exportations d’or noir ont rapporté en 2006 plus de 4 milliards de dollars. Et le pays peut faire encore mieux.
Seule ombre au tableau pour le gouvernement : le Soudan reste étroitement dépendant d’un seul partenaire commercial, la Chine, qui consomme 80 % de son pétrole Or Pékin s’inquiète de plus en plus des répercussions néfastes de la crise du Darfour sur son image d’organisatrice des Jeux olympiques de 2008. D’où, ironie du sort, l’obligation pour Khartoum d’accepter, sous la pression chinoise, certaines conditions des pays occidentaux, comme l’envoi d’une force internationale de maintien de la paix au Darfour.

Fortune (Bimensuel, Etats-Unis)

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