« W » fait son show africain

Publié le 26 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Jacques Chirac n’est plus le seul à éprouver de la compassion pour l’Afrique et à se faire le héraut de ses dirigeants. Tony Blair et plus récemment George W. Bush ont pris possession avec autorité et grand bruit de son fonds de commerce. Si la stratégie politique du Britannique est intimement liée à l’exercice par son pays de la présidence du G8, les dernières sorties de l’Américain étaient plus inattendues, ce dernier ayant largement délaissé le continent après les attentats du 11 septembre 2001. Mais, depuis le 1er juin, date qui coïncide avec la prise de fonctions de Paul Wolfowitz à la tête de la Banque mondiale, la Maison Blanche multiplie les signes d’intérêt. Le dernier en date : le limogeage, sans ménagement, de Paul Applegarth, directeur du Millenium Challenge Corp., pour redynamiser l’initiative phare de la présidence Bush en matière d’aide au développement. Un peu plus de trois ans après son lancement, ce programme est en effet un échec total, ce que n’ont pas manqué de faire remarquer au Texan cinq présidents africains (Botswana, Ghana, Mozambique, Niger et Namibie), le 13 juin, à Washington. Sur les 5 milliards de dollars promis, seulement 108 millions et 215 millions, respectivement pour Madagascar et le Honduras, ont été débloqués. Trois jours plus tard, la presse américaine annonçait la démission d’Applegarth…
Washington ne s’est pas privé, en outre, de s’attribuer le mérite de l’annulation de la dette multilatérale de quatorze États africains parmi les plus pauvres, décidée le 10 juin, à Londres, par les ministres des Finances des pays riches. Au grand dam des Européens, notamment des Français, qui ne manquent pas de rappeler que les États-Unis freinent des quatre fers sur la plupart des dossiers et que l’aide américaine ne dépasse pas 0,16 % du Produit intérieur brut, la plus faible des vingt-deux nations les plus développées.
Ce soudain regain d’intérêt du président Bush pour l’Afrique est tout sauf désintéressé. Les fins stratèges de son administration ont rapidement compris les bénéfices que l’Amérique pouvait retirer en termes d’image d’un succès du prochain sommet des pays riches, les 6 et 7 juillet, à Gleneagles, en Écosse, après les dégâts causés dans l’opinion mondiale par l’intervention en Irak. Le revirement américain trouve d’autres explications, diplomatique et économique. Bush a de plus en plus conscience que les pays pauvres et mal gérés sont des foyers potentiels de terrorisme. Une analyse qui l’a amené à mettre en place une commission de stabilisation et de maintien de la paix au sein du département d’État. Et à s’engager plus activement – avec ses alliés occidentaux – pour une intervention au Liberia et la conclusion d’un accord de paix au Soudan. Un engagement qui vise, par ailleurs, à sécuriser ses intérêts pétroliers. Les importations de brut africain représentent dorénavant 15 % des achats américains d’hydrocarbures… Et il n’est pas question d’offrir la moindre occasion à la Chine, particulièrement habile pour s’imposer dans les pays en conflit, de lui voler « son » or noir.
De cette soudaine générosité affichée, nul n’est dupe. Mais les Africains seraient bien avisés de sauter sur l’occasion. Et auraient même intérêt à faire pression sur Paul Wolfowitz, un néoconservateur proche de Bush, pour aller soutirer des espèces sonnantes et trébuchantes aux sénateurs du Congrès, qui se sont montrés, il faut bien l’admettre, plutôt chiches ces dernières décennies.

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