Vos lettres et emails sélectionnés

Publié le 26 juin 2005 Lecture : 8 minutes.

Discrimination estudiantine
La France pratiquerait-elle la discrimination entre les étudiants d’Afrique subsaharienne et ceux du Maghreb ? Les premiers doivent s’acquitter d’une taxe de 100 euros pour obtenir un visa d’étude, contre la moitié pour les seconds. Par ailleurs, il leur faut produire une attestation d’hébergement et un certificat d’assurance s’ils ont plus de 28 ans, ce qui n’est pas le cas pour, par exemple, les Algériens. J’en viens à me demander ce que penserait feu le président burkinabè Thomas Sankara, lui qui était le défenseur des plus pauvres…

Bouteflika, le Sahara, nous et les autres
Après votre article intitulé « La guerre des nerfs », (voir J.A.I. n° 2318), je voudrais faire la réflexion suivante. Si, en accroissant son potentiel militaire et ses manoeuvres dilatoires, puis en portant à la tête de la diplomatie algérienne un antimarocain zélé, le président Bouteflika croit intimider le Maroc, c’est un mauvais calcul. Depuis 1962, le contexte régional et international a changé. Sur l’ensemble de la zone sahélienne pèsent des risques d’instabilité qui n’épargneront pas les confins sud- algériens. Le trafic d’armes est florissant et la solidarité fonctionne à plein régime entre le Polisario, les indépendantistes touaregs et les salafistes algériens. De ce fait, doit-on s’étonner de la fébrilité des Américains et de leur soudain intérêt pour la région, considérée avec inquiétude par l’Union européenne comme « zone à risque » et ventre mou de son dispositif de sécurité sur son flanc sud

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On oublie l’environnement
Les institutions financières internationales négligent l’environnement. Le FMI et la Banque mondiale s’intéressent à la bonne gouvernance, à la lutte contre la pauvreté, au respect des plans d’ajustement structurel. L’Union européenne parle de démocratie, de financement de routes ou d’écoles, de liberté des médias. Personne ne parle, jamais, du respect de l’environnement. Pourquoi ?

Mariage mixte, douleur singulière
Ma grande soeur, Ngamala Tudieshe, n’avait que 18 ans le jour où elle a rencontré un célèbre écrivain. S’est ensuivie une belle histoire d’amour – dix ans de vie commune, deux enfants – achevée sur une seule parole : va-t’en.
Nombreuses sont les filles noires qui, après avoir été adulées, sont rejetées sans ménagement ni considération. J’éprouve beaucoup de chagrin pour ces descendantes d’esclaves, traitées aussi irrespectueusement que les Négresses du xviiie siècle. Aujourd’hui, j’aimerais dire à Ngamala et à toutes mes soeurs à travers le monde, celles qui ont été injustement humiliées, que cette larme qui coule le long de leur joue ne leur appartient pas, c’est celle de leurs pairs, de l’Afrique, du peuple noir.

Le calvaire des demandeurs d’asile
Mon pays, le Sénégal, est signataire de la Convention de Genève de 1951 et de celle de l’OUA de 1969 sur les demandes d’asile. Il jouit d’une culture démocratique et de la stabilité politique. Toutefois, il a fait de ses réfugiés mauritaniens des laissés-pour-compte. Pendant la procédure de demande d’asile, qui prend entre un et trois ans, il n’y a aucune prise en charge ni couverture sociale minimale, pas même d’aide à l’hébergement. Si l’on veut que la téranga (hospitalité) sénégalaise garde tout son sens, accélérons les procédures de traitement des dossiers par la Commission nationale d’éligibilité (équivalent de l’Ofpra en France) et créons un centre d’accueil. C’est urgent et indispensable.

Haïti en péril
Notre république africaine en Amérique est en péril, comme le dit fort bien votre article (voir J.A.I. n° 2316), à qui la faute ?
L’ex-opposition au président déchu Jean-Bertrand Aristide était tellement obsédée par celui-ci qu’elle a oublié de préparer l’alternance. Les États-Unis se posent donc en pompiers, après avoir joué les pyromanes. Une fois encore, le peuple haïtien est submergé par l’incohérence et la contradiction. On répète à l’envi que la présidence et le gouvernement de transition ne peuvent pas prendre de décisions engageant le pays à long terme. En conséquence, au nom de quel principe peuvent-ils demander l’envoi de marines ? Il me semblerait plus logique que l’on fasse appel aux Nations unies, qui bénéficient d’un mandat légal en cours. Par ailleurs, beaucoup d’Haïtiens sont au chômage. Ils seraient certainement heureux de servir leur patrie au sein de la police ou des autres corps habillés.

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L’Évangile et la polygamie
Vous avez publié un forum intitulé « En quoi le Coran est féministe » (J.A.I. n° 2313) qui s’achève par la phrase suivante : « Le Coran est le premier texte sacré qui donne une forme restrictive à la polygamie. Il n’y a aucune restriction de ce genre ni dans l’Ancien ni dans le Nouveau Testament. » Et pour cause ! En ce qui concerne le Nouveau Testament, au temps de Jésus, en Judée et en Palestine, la polygamie a presque totalement disparu. Pourquoi le Christ apporterait-il des restrictions à une pratique qui n’a plus cours et est unanimement réprouvée ? Dans l’Ancien Testament, on trouve de nombreuses mises en garde contre la polygamie, dès le livre de la Genèse (Gn 2, 18-24), chez les Prophètes et dans les livres de Sagesse. L’exégète Hugues Cousin, dans Le Monde où vivait Jésus (Éditions du Cerf, 1999), explique comment l’idéal de l’union de Dieu et d’Israël a fait évoluer la vie matrimoniale à partir du iiie siècle avant J.-C. vers la monogamie.
Quand il s’agit des traditions religieuses de l’autre, le minimum est de ne parler qu’en connaissance de cause, pour éviter les simplifications et les caricatures.
Philippe Verdin, directeur du centre Lebret, Dakar, Sénégal

Le caviar est bon pour la santé
En complément à votre article sur le caviar (voir J.A.I. n° 2318), permettez-moi d’ajouter que, médicalement parlant, le caviar favorise la détente musculaire et développe la résistance à la fatigue. Quiconque en doute n’a qu’à faire une cure pour en juger. D’où le vieil adage : pour avoir un coeur en béton, il faut manger de l’esturgeon ! A fortiori, ses oeufs.

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Aide et démocratie
Je voudrais vous faire part de mon scepticisme face à la détermination de deux personnalités à apporter une aide supplémentaire au développement de l’Afrique : celle du président français Jacques Chirac, qui envisage de taxer les billets d’avion, et celle du Premier ministre britannique Tony Blair, qui veut simplement augmenter le taux. À mon avis, ces mesures sont vaines. Le problème de l’Afrique est ailleurs et l’on pourrait mobiliser tout l’argent du monde que cela n’y changerait rien. Attaquons-nous plutôt au déficit de démocratie. Au Sénégal, où le président travaille correctement, tous les indicateurs économiques et politiques sont au vert (voir J.A.I. n° 2307), mais, à l’opposé, existent une pléiade de pays autocratiques où les chefs d’État sont des imposteurs. Les dirigeants du Nord devraient défendre les intérêts des peuples de ces pays-là.

Sharon à Tunis : pourquoi pas ?
Je salue l’initiative du président tunisien Ben Ali d’inviter un haut responsable israélien au Sommet mondial sur la société de l’information, en novembre 2005. C’est la démonstration faite au monde entier que les Arabes reconnaissent désormais l’existence d’Israël, tout en sachant pertinemment que cet État continue à coloniser la Palestine et à maltraiter son peuple. J’aurais aimé cependant voir quelqu’un d’autre qu’Ariel Sharon, pourquoi pas le président israélien, un homme beaucoup plus neutre.

Chirac et Blair sur un ring…
Nicolas Sarkozy ayant opté pour les quotas ciblés à l’immigration, on peut s’attendre que des charters opèrent pour transporter vers la France, par exemple 101 Maliens munis de BTS (Braves techniciens supérieurs de surface), ou 666 gangans (prêtres et féticheurs) haïtiens. Oui, en tant que ministre des Cultes, il doit aussi penser à la pénurie de prétendants au sacerdoce au sein de la fille aînée de l’Église. Je ne sais s’il y aura des appels dans ma branche d’activité, mais je ne quitterai pas l’Afrique sans peine. Quelles sont, en effet, les chances pour moi de voir M. Blair traiter M. Chirac de « rigolo », et ce dernier, à défaut d’inviter son offenseur sur un ring de boxe comme feu Idi Amin Dada, rappeler pour consultation, avec panache et dans un superbe courroux, son ambassadeur auprès de la perfide Albion ? Le surréalisme a aussi ses charmes, certes moins discrets que ceux de la bourgeoisie européenne, mais il peut rendre la vie plus… « rigolote » en Afrique, que de balayer les rues françaises en hiver.

Les musulmans et les autres
Votre article intitulé « Transport aérien : les musulmans voient grand » (voir J.A.I. n° 2317) est suivi d’un petit graphique qui fait le partage suivant : Acheteurs de l’A-380 = Europe 20 % ; Australie 8 % ; Asie 17 % ; États-Unis 19 % ; Pays musulmans 36 %.
J’ai été choqué par cette façon de voir le monde : les musulmans et les autres. Les choses auraient été dans l’ordre si vous aviez écrit : chrétiens x % ; musulmans y %…
Les musulmans représentent-ils un peuple, une race ou une religion qui seraient différents des autres qui, eux, sont désignés par leur nationalité ? Pourquoi les catégoriser ? On entend si souvent dire : milliardaire musulman, terroriste musulman, etc., mais jamais milliardaire chrétien ou terroriste chrétien. Est-ce à dire que chaque fois qu’un musulman agit ou est concerné par un événement il faut souligner sa religion afin que le monde entier le sache ? « Musulman » ne désigne ni une race ni une nation. C’est une religion, tout simplement. Elle a des adeptes aux quatre coins de la planète, en Europe, aux États-Unis, en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient, etc. De grâce, n’exacerbons pas la division, les musulmans sont suffisamment pointés du doigt sans que J.A.I. en rajoute.
Réponse : C’est évidemment une facilité de regrouper sous le label « musulmans » les pays cités dans le corps du texte (Émirats arabes unis, Malaisie, Qatar). Mais les contraintes techniques sont évidentes : pour un article de cette taille, il faut un titre court. Par ailleurs, le qualificatif musulman n’a rien de désobligeant, surtout dans les colonnes de Jeune Afrique/l’intelligent… La rédaction

Pourquoi réunir les anciens chefs d’État ?
Quinze anciens dirigeants africains ont été réunis à Bamako (voir J.A.I. n° 2318). Sur quels critères ont-ils été choisis ? Personne ne leur a demandé le moindre bilan. Ils affirment pouvoir aider le continent grâce à leur expérience, mais pourquoi ne l’ont-ils pas mise en pratique au moment ils étaient au pouvoir ? J’estime que c’est injure faite à la jeunesse africaine que de faire passer tous ces « anciens » pour les « sauveurs » d’une Afrique qu’ils n’ont pas contribué à sortir de la misère, voire qu’ils l’y ont enfoncée.
Bomono Héron Ologo,
Douala, Cameroun

À l’Ouest, rien de nouveau
Il n’y a pas de mots pour qualifier ce qui est arrivé à Duekoué (voir J.A.I. n° 2319). Je suis à la fois révolté et dépité et, vivant à l’étranger, j’ai de plus en plus de peine à revendiquer ma qualité d’Ivoirien, tant je souhaite ne pas être associé à ceux qui sont coupables de ces atrocités. Si le pays avait mené la guerre de façon claire et ouverte, il l’aurait gagnée ou perdue depuis longtemps. Nous aurions connu le désastre humain, économique, psychologique qui accompagne toute guerre, mais peut-être avec une moindre intensité qu’actuellement. Le président Laurent Gbagbo continue à faire de nombreuses déclarations. Bien sûr, la situation n’est pas comparable, mais si le président Rwandais Paul Kagamé avait autant tergiversé en avril 1994, combien de victimes le génocide aurait-il fait ?

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