Tigre de papier

Toujours prompts à la paranoïa, les Américains surestiment peut-être la menace économique et militaire représentée par la Chine.

Publié le 26 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

La menace d’une domination militaire de la Chine ne devrait pas inquiéter l’Occident. Son arsenal nucléaire est relativement limité : seulement vingt-quatre fusées intercontinentales capables de transporter des ogives nucléaires et d’atteindre les États-Unis, pas de porte-avions et très peu de destroyers. La Chine ne construit pas de bombardiers à longue portée et ne dispose d’aucune base militaire à l’étranger. Ses soixante-dix sous-marins s’aventurent rarement hors de ses eaux territoriales et, bien qu’ayant déployé contre Taiwan six cents missiles de courte portée, elle ne dispose pas d’une force d’invasion suffisante pour balayer les défenses de l’île rebelle.
Il n’empêche : la Maison Blanche et la majorité du Congrès américain continuent d’agir comme si les États-Unis devaient être en mesure de tenir tête militairement à la Chine, tout en renforçant les échanges pacifiques entre les deux pays. Au cours d’une récente visite à Tokyo, la secrétaire d’État Condoleezza Rice, à qui l’on demandait la raison de l’important déploiement de troupes à Okinawa, a répondu qu’elles étaient là pour contrecarrer la montée en puissance de la Chine.
Pourtant, il n’est pas assuré que ce mastodonte économique doive inéluctablement se transformer en menace militaire. D’autant qu’une augmentation de sa puissance et de son influence régionale ne se traduira pas forcément par un déclin parallèle de l’Amérique. Croire le contraire relève de la paranoïa.
La réussite chinoise a été fortement exagérée. Ce pays ne représente encore qu’une faible part du commerce mondial, et il est encore loin d’occuper une position dominante en Asie orientale. Seuls 9 % des produits importés dans la région viennent de Chine, alors que 17 % viennent du Japon et 18 % des États-Unis. Bien sûr, l’afflux d’investissements étrangers dont elle bénéficie incite à la considérer comme une championne de l’avenir, mais il faut bien voir que la plupart de ces investissements sont le fait des Chinois de la diaspora. Et que nombre d’entre eux qu’on s’imagine à tort venir d’Asie orientale sont en réalité originaires de Chine : ils transitent par Hong Kong – ou ailleurs – à la seule fin d’obtenir le statut d’« investissement étranger » et de bénéficier des avantages fiscaux afférents.
À la différence de l’Inde, la Chine ne dispose pas encore des moyens d’une réussite à long terme. Elle ne compte aucun groupe de dimension mondiale, son encadrement juridique est rachitique et rien ne garantit que son système politique dictatorial sera assez flexible pour surmonter les tensions inhérentes à une croissance poursuivie au rythme actuel.
Sans doute la fixation que les Occidentaux font sur la Chine se déplacera-t-elle avant longtemps sur une Inde aujourd’hui en pleine expansion. Un retour en arrière sera alors difficile, car les investisseurs auront appris à apprécier ce pays où la loi fonctionne, fût-ce avec lenteur, et où les hommes politiques, démocratiquement élus, sont non seulement fiables, mais abordables : avec eux, il est possible de discuter.
Concernant la Chine, il est important que les États-Unis s’efforcent de développer les échanges sans sombrer dans la paranoïa, mais sans oublier non plus le massacre de Tiananmen (1989) et en veillant à soutenir la démocratie à Taiwan. En maintenant leur embargo sur les armes à destination de ce pays et en incitant l’Europe à faire de même, les États-Unis montrent qu’ils ne sacrifient pas les grands principes. Reste à savoir pourquoi ils ont récemment annoncé leur intention de ne plus voter contre la Chine à la Commission des droits de l’homme des Nations unies…

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