Des soldats bien indélicats

Publié le 26 juin 2005 Lecture : 2 minutes.

Reconnus coupables de vol, huit soldats de l’opération Licorne, la force française d’interposition en Côte d’Ivoire, ont été condamnés, le 21 juin, à un an de prison ferme par le tribunal aux armées de Paris. Quatre autres ont écopé de peines allant de deux à quatre mois de prison pour recel. Âgés de 22 à 35 ans, ces hommes du rang étaient poursuivis pour s’être servis dans les coffres d’une banque qu’ils étaient chargés de surveiller, à Man, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, à 570 km d’Abidjan.

Dans une sorte de remake du film Mélodies en sous-sol, les douze hommes ont dérobé, entre mai et juin 2004, 220 millions de F CFA (l’équivalent de 337 000 euros). Membres du 40e régiment d’artillerie de Suippes (Marne) et du 503e régiment de chars de Mourmelon, ils étaient arrivés à Man en mai 2004 au sein d’un bataillon chargé de protéger cette ville sous contrôle de la rébellion, épisodiquement éprouvée par des mercenaires infiltrés depuis le Liberia voisin. Ils installent leur QG dans les locaux désaffectés de la succursale locale de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), pillée en novembre 2002, deux mois après le déclenchement de l’insurrection armée.
Croyant vivre sur des décombres, les douze soldats découvrent très vite le « trésor » qui dort sous leurs pieds, un des leurs s’étant introduit dans la salle des coffres en passant par un conduit d’aération. Ils se servent, mais se trahissent aussitôt par une irrépressible « fièvre acheteuse » (acquisition à tour de bras de caméscopes, téléphones, bijoux…, échange de sommes importantes de francs CFA contre des euros). Ce qui met aussitôt la puce à l’oreille de leurs supérieurs. Après enquête, la hiérarchie les rapatrie le 17 septembre 2004 en France, où ils sont immédiatement placés en détention.
Leur procès connaît d’autant plus de retentissement en Côte d’Ivoire que la présence française y est décriée par les partisans du chef de l’État, Laurent Gbagbo. Comme pour couper l’herbe sous le pied aux détracteurs de ses troupes, la ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie, est montée au créneau, le 22 juin, pour déclarer les peines « insuffisantes » et demander à son homologue de la Justice « d’examiner la possibilité de faire appel ».

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La conduite indélicate des douze soldats est vécue en France comme un affront. « Une trahison », selon le mot du procureur de la République, Jacques Baillet, pour qui ces hommes « ont discrédité l’action de la France sur la scène internationale ». L’image de la force Licorne est d’autant plus ternie qu’elle n’en est pas à son premier forfait. En septembre 2003, quatre de ses éléments avaient été pris avec 38 millions de F CFA (57 000 euros) lors du pillage de la BCEAO à Bouaké.
À ces écarts récurrents s’ajoutent de regrettables bavures. Durant les tragiques événements du 6 au 10 novembre 2004, les forces françaises ont ouvert le feu sur une foule de manifestants, tuant plusieurs « Jeunes patriotes » partisans du président Gbagbo. En décembre 2003, à Bouaké, un élément de la Licorne, Christian Pame, a abattu un paisible jardinier, Basoubana Koulibali. Jugé par la cour d’assises militaire de Paris, Pame a été condamné, le 1er juin, à… trois ans de prison.

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