« Amnistie » pour les pauvres

Publié le 26 juin 2005 Lecture : 2 minutes.

Donc, voilà. Le problème de la lutte contre la pauvreté est réglé. Dans un bel effort, les ministres des Finances des pays du G8 se sont mis d’accord pour effacer, hop ! d’un trait, d’un seul, l’ardoise des pays les plus pauvres. Disons une cinquantaine de milliards de dollars pour « sauver » cent quatre-vingt-cinq millions de personnes réparties dans dix-huit pays. C’est une goutte d’eau dans l’océan de la dette globale du Sud (2 500 milliards de dollars !), mais qu’à cela ne tienne. Lesdits ministres et les commentateurs se lâchent dans l’emphase et l’autosatisfaction : accord historique, tournant pour l’Afrique, nouveau départ… Paul Wolfowitz, nouveau président de la Banque mondiale et ex-conquérant de Bagdad, a fait une tournée africaine pour vendre l’affaire et s’assurer, dit-il, que « l’argent ira bien aux populations »…
D’ailleurs, pour pousser l’opinion riche à encore plus de commisération, Bob Geldof, vieux rocker fatigué et figure familière de l’humanitaire qui swingue, nous propose à nouveau un « Live Aid » grandiose pour le 7 juillet… En tout cas, on respire, tout va bien, la malaria, la malnutrition, l’analphabétisme sont en voie d’éradication. C’est sûr, nous sommes sauvés… Même si, pendant ce temps-là, l’Onusida pousse un retentissant cri d’alarme que personne n’entend sur la faiblesse des fonds dont elle dispose pour faire face à la pandémie.
Désolé de paraître cynique et sceptique. À court terme, bien sûr, l’annulation de la dette va soulager, un peu, la trésorerie des pays les plus pauvres. Mais à quel prix ? Ce sont les riches qui vont payer la facture. Et ce ne sera probablement pas « gratuit ». Comment les États ainsi « amnistiés » vont-ils pouvoir dorénavant financer leur développement ? Qui va leur prêter ? À quelles conditions ? On voit déjà poindre le discours moralisateur de l’aumône organisée. Voilà, on vous financera vos écoles si vous êtes de bons élèves de la démocratie universelle néolibérale d’inspiration proaméricaine… Nous ne sommes pas loin d’une véritable mise sous tutelle des pays « bénéficiaires » qui seront encore plus dépendants de l’aide internationale ou des aides bilatérales. Quid aussi des pays dits intermédiaires, officiellement moins démunis que les autres, mais qui croulent sous le poids de leurs dettes ? Quid aussi de la responsabilité de l’Occident, spécialiste, entre autres, des subventions en tout genre qui asphyxient les agricultures du Sud ? Ou des fameux prêts « dédiés » qui profitent exclusivement à leurs entreprises ?
L’annulation de la dette, c’est bien. Mais cela ne cache pas l’immense absence d’imagination et de volonté sur l’éradication de la grande pauvreté. Au XXIe siècle, celle-ci concerne encore près d’un milliard d’êtres humains qui vivent avec moins de 1 dollar par jour.

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