Un trek au Sahara

Avec plus de 40 000 visiteurs par an, le pays est devenu une destination à part entière. Mais les recettes du secteur restent marginales.

Publié le 26 mars 2006 Lecture : 3 minutes.

« Je connais les touristes. Chez eux, ils sont surmenés, pressés, ils ont des problèmes. Quand ils arrivent ici, ils veulent du calme et du silence, de l’air pur », explique Boubacar Ould Taleb, professionnel du tourisme. La Mauritanie présente plusieurs atouts pour devenir une destination de premier ordre pour des Occidentaux fatigués qui rêvent d’étendues désertes. Elles couvrent l’essentiel de son territoire, deux fois plus grand et vingt fois moins peuplé que la France, principal pays d’origine des voyageurs qui prennent les chemins d’Atar, de Chinguetti ou du parc national du Banc d’Arguin. Pour eux, le pays est à une distance raisonnable. Il abrite des vestiges historiques qui ajoutent une dimension culturelle aux vacances. Cissé Bent Cheikh Ould Beide, directrice adjointe de l’Office national du tourisme (ONT), complète la liste : « Nous proposons le seul désert maure du monde, qui a aussi l’avantage d’être habité. On vient pour la Mauritanie et on revient pour les Mauritaniens. » Sans parler des possibilités de pêche, de chasse.
Les touristes ont découvert la Mauritanie en 1996, date du premier charter affrété par le voyagiste Point Afrique. Ils sont une poignée, cette année-là, guère plus d’un millier, à débarquer à Atar, sur le plateau de l’Adrar. Depuis, les proportions ont changé. En 2004-2005, le pays a reçu 42 000 visiteurs, note la direction du tourisme. Quelques Britanniques se joignent désormais à la traditionnelle clientèle française. Face à eux, un État qui sait ce qu’il veut : « La déclaration de politique générale faite en 1994 par le gouvernement stipule que le tourisme doit être sélectif, encourager les produits de type national et avoir une incidence limitée sur l’écosystème », rapporte la numéro deux de l’ONT. Sous-entendu : pas question de développer une activité de masse uniquement tournée vers la rentabilité, le meilleur chemin vers l’épuisement des richesses.
La fréquentation croissante (+ 18 % par an en moyenne depuis 1996) est donc restée raisonnable, afin de préserver les ressources. Et si certains sites, comme Tergit, peuvent être considérés comme surexploités, le tout reste dans l’ensemble préservé. Mais la plupart des circuits commencent à Atar et ne passent pas par Nouakchott. Les visites se concentrent sur l’itinéraire de la « caravane des villes anciennes » (Ouadane, Chinguetti, Oualata, Tichit) et au Banc d’Arguin, délaissant de nombreux autres centres d’intérêt. « Il faut faire une extension du produit désert », explique Cissé Bent Beide, dont le parler emprunte de nombreux termes au marketing. Le pays se voit bien accueillir deux fois plus de touristes à l’avenir, tout en préservant la même ligne de conduite, prudente : « Nous sommes ouverts au balnéaire à condition qu’il respecte nos traditions », assure le directeur du Tourisme au ministère du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Mohamed Abdellahi Khatra. De plus, le désert est vaste. Pourquoi ne pas glisser vers le Tagant (à l’est), le Trarza (au sud-ouest, bordé par le fleuve Sénégal), et le Parc national du Diawling, et la ville de Nema (extrême Sud-Est), frontalière du Mali, et dotée d’un aéroport ? Toutes ces hypothèses sont examinées par les professionnels.
Alors qu’il est une source classique de diversification économique dans les pays en développement, le tourisme occupe encore une place marginale dans le PIB de la Mauritanie. D’après la direction du tourisme, la saison 2004-2005 a rapporté 5,7 milliards d’ouguiyas de recettes, soit 19 millions d’euros (moins de 1 % du PIB) et employé 4 000 personnes. Des miettes, pour ainsi dire. « Le tourisme mauritanien ne profite pas aux Mauritaniens », commente la directrice adjointe de l’ONT. Pour renverser la tendance, Air Mauritanie et l’ONT étudient actuellement la possibilité de créer des lignes charters entre Paris, Marseille et Atar. Un moyen de concurrencer Point Afrique et Go Voyages, les deux seuls voyagistes qui affrètent des vols à bas coûts vers Atar. Conscient de l’émergence et de la concurrence de la destination libyenne, l’ONT s’apprête également à ouvrir une délégation à Paris. Des publicités devraient prochainement vanter les charmes des étendues sableuses aux passagers d’Air France. Et peut-être ceux de Royal Air Maroc. Il s’agit notamment de chasser une idée fausse : bien souvent, les touristes écartent la Mauritanie de leurs projets sous prétexte qu’elle est une république « islamique ». L’adjectif fait des ravages, étant bien souvent associé, à tort, à l’intégrisme, à l’islamisme, au terrorisme « Pour certains, Nouakchott et Bagdad, c’est pareil », résume un professionnel.

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