Et pendant ce temps, à Genève

Publié le 26 mars 2006 Lecture : 3 minutes.

Lansana Conté l’avait dit et répété : jamais il ne se ferait soigner dans un pays occidental. L’attention que son diabète et sa leucémie nécessitent ne semblait pas, à ses yeux, être hors de portée des systèmes médicaux marocains et cubains, où il s’était rendu respectivement en 2002 et en 2003. Pourtant, le 18 mars, c’est bien un avion médicalisé affrété par l’homme d’affaires italien Guido Santullo – un fidèle – qui se pose sur le tarmac de l’aéroport de Genève. Voilà donc le chef de l’État guinéen, au pouvoir depuis vingt-deux ans, cédant à la tradition de la plupart de ses pairs et venir se soumettre aux stéthoscopes européens (Gnassingbé Eyadéma avait effectué son dernier séjour hospitalier à Zurich, Félix Houphouët-Boigny se faisait également soigner à Genève). Déjà significative, sa venue en Suisse prend d’autant plus d’importance qu’elle fait réapparaître sur le devant de la scène un homme réputé pour sa discrétion, totalement muet depuis quelques mois.
Lansana Conté, 72 ans, a été transféré non pas dans une clinique privée à l’abri des curieux, mais dans l’un de ces grands hôpitaux universitaires de Genève (HUG) situé en plein centre-ville, dans le quartier de Carouge. Il occupe l’un des 2 200 lits dont dispose l’établissement, qui fêtera bientôt ses 150 ans. Même s’ils doivent être rénovés prochainement, les HUG présentent l’avantage de posséder des équipements modernes et tous les services d’urgence introuvables dans une clinique privée.

Au neuvième étage du « bâtiment des lits », dans l’aile Cluse, un vieil homme branché à des perfusions mobiles fait les cent pas. Une petite dame aux cheveux blancs habillée d’une robe de chambre se promène doucement au bras de son époux. Le silence règne à ce niveau réservé aux « privés » – ceux qui disposent de leur propre assurance-maladie. Derrière les grandes fenêtres, un rayon de soleil illumine le Salève, qui arbore encore fièrement un chapeau de neige en ce début de printemps. Des lits à roulette traversent le hall, entre les ascenseurs et les couloirs. Sortis de leur sommeil, les patients sont amenés dans l’une des 39 salles d’opération, niveau P, au sous-sol.
Au milieu des anonymes et bordé comme eux dans de simples draps bleus, le chef de l’État guinéen est poussé par un jeune infirmier. Il est entouré de deux gardes du corps, ainsi que de son ministre de la Santé Amara Cissé, en blouse blanche, et de Guido Santullo. Une petite dizaine d’hommes, au total, l’accompagnent au bloc. Lansana Conté est éveillé mais immobile. Une infirmière qui porte son épais dossier médical dans un classeur bleu étiqueté à son nom veille sur lui. Ce jour-là, le plus célèbre patient qui séjourne sur les rives du lac Léman descend pour une gastroscopie. Depuis son arrivée, il suit une batterie d’examens médicaux.
Pendant ce temps, les allées et venues continuent. L’ambassadeur de Guinée à Londres, Lansana Keïta, le deuxième secrétaire de l’ambassade à Paris, Naby Ibrahima Soumah, et le directeur du protocole, Idrissa Thiam, squattent le couloir. Ils empêchent les curieux de s’approcher de la chambre du président. Le 22 mars au soir, ils ont reçu le renfort d’un agent d’une société de sécurité privée helvète. Un magnifique bouquet de fleurs a été posé à l’entrée de la pièce. Des boîtes remplies de victuailles s’y accumulent pour permettre aux accompagnateurs, dont la première dame Henriette Conté, de s’alimenter.

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Dehors, posté devant la grande entrée de l’hôpital, où passent chaque jour des centaines de patients et de médecins, un chauffeur de taxi suisse dont la délégation guinéenne a loué les services – ainsi que la spacieuse Mercedes Vanio aux vitres fumées – observe les va-et-vient. Dans son oreillette Bluetooth, il est prévenu de chacune des arrivées des proches de Conté.
Une certaine nervosité est palpable au sein de la délégation guinéenne, aucun dispositif de sécurité particulier n’ayant été déployé dans ce lieu public qu’est l’hôpital. Conté est bien en visite privée, comme ne cessent de le répéter les services présidentiels depuis son départ de Conakry. Une visite très privée, puisque la Suisse n’a fait que confirmer sa présence sur son sol pour raisons de santé. Sans plus.

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