Du bon usage des pétrodollars

Pour la première fois depuis 2001, la balance commerciale va être excédentaire. Reste à faire fructifier les bénéfices des hydrocarbures.

Publié le 26 mars 2006 Lecture : 3 minutes.

Aux abords de la route flambant neuve qui relie la capitale et Nouadhibou, les passants pourront bientôt apercevoir la silhouette moderne de l’aéroport international de Nouakchott. Construit et financé par le groupe chinois MCC, il devrait permettre d’accueillir, après son ouverture en 2009, plus d’un million de passagers par an pour un coût total de 200 millions de dollars, remboursable sur cinq ans. Le temps où le pays était refermé sur lui-même et exclu des projets d’investissement des grandes entreprises internationales semble bel et bien révolu. Le petit marché mauritanien, doté de 3 millions de consommateurs tout au plus, attire désormais les capitaux étrangers : le mauritano-tunisien Mattel pour les télécoms, l’australien Woodside pour le pétrole, bientôt la BNP Paribas et déjà la Banque internationale d’investissement, fruit d’un partenariat entre le néerlandais ING et le français Ballouhey, pour le secteur bancaire. Le paysage économique change.
L’année 2006 sera exceptionnelle à plus d’un titre. L’événement que pas un Mauritanien n’a manqué, c’est bien sûr le début de l’exploitation pétrolière. Attendue depuis 2001, elle apporte avec elle son lot d’espoirs. L’autre fait nouveau, moins spectaculaire mais tout aussi important, c’est le renversement de la balance commerciale : déficitaire depuis 2001, elle sera de nouveau positive en 2006. Pourtant, la Mauritanie ne quittera pas dès demain la catégorie des « pays les moins avancés » (PMA) pour occuper celle des « pays à revenus intermédiaires » (PRI). Mais si Nouakchott continue sur la voie de la croissance – un taux de 26,7 % est attendu pour 2006 -, le changement pourrait intervenir dans quelques années.
« Potentiel », c’est le terme que l’on emploie le plus souvent pour rendre compte de l’économie mauritanienne. La pêche, le fer, le tourisme et maintenant l’or noir : le pays dispose de ressources qui ont le vent en poupe. Mais l’implicite qui se cache dans ce mot galvaudé, c’est que la Mauritanie peut mieux faire. Avec une espérance de vie de 51 ans, un taux d’analphabétisme de 69 % chez les femmes et de 49 % chez les hommes, un PNB par habitant de 420 dollars pour une moyenne régionale de 500 dollars, le tableau idyllique du nouveau producteur de pétrole promis à un avenir radieux s’écaille pour laisser apparaître des besoins sociaux criants.
En plus des carences sanitaires (seulement 37 % de la population a accès à l’eau potable), le problème de la formation est crucial. Aujourd’hui, le taux d’inscription dans le cycle secondaire s’établit à 22,5 %. Si le pays veut profiter de ses ressources, et ne pas les laisser en pâture aux groupes étrangers, il doit disposer d’une main-d’uvre qualifiée à même de saisir les opportunités d’emplois qui s’offrent dans les secteurs porteurs du pétrole et même du tourisme. Le projet d’un centre d’enseignement technique et professionnel à la Société nationale industrielle et minière (Snim) et la réalisation d’un rapport sur le secteur de l’éducation vont dans ce sens. La refonte du secteur bancaire, actuellement en cours, est également vitale : les taux prohibitifs, voire l’absence de crédit, entravent la volonté des entrepreneurs.
À l’heure actuelle, l’économie repose sur deux grands piliers : l’exploitation des minerais et la pêche, qui représentent respectivement 40 % et 60 % des exportations. Les hydrocarbures s’annoncent comme le troisième. « Le pétrole, c’est le danger », prévient un Mauritanien, sous-entendant que le pays ne doit pas se reposer sur une rente volatile et éphémère qui le rendrait dépendant de la conjoncture internationale. Dans cette perspective, le tourisme est envisagé comme ?une possibilité de diversification.
À la fin de 2005, les équipes du ministère des Finances sont parvenues à rétablir la vérité des chiffres dans les comptes de l’État, erronés en 2003 et en 2004. La « transparence » est devenue le maître mot dans tous les secteurs de l’économie, de l’exploitation pétrolière à la gestion des mines en passant par les télécoms. Un discours auquel les bailleurs de fonds devraient être sensibles.

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