Un autre monde arabe

Publié le 26 février 2006 Lecture : 2 minutes.

On pourrait s’arrêter à ces images-là, celles de foules hystériques qui brûlent des ambassades, d’intégristes qui travaillent les masses au corps en attendant le grand soir, de bidonvilles de la misère qui ceinturent les villes de la bourgeoisie assiégée, de gouvernements souvent inefficaces. On pourrait s’arrêter à ces images d’une « arabité » rétrograde, empêtrée dans son sous-développement, dans ses contradictions, sa violence. On pourrait juste accepter ce raccourci, presque cette caricature, que nous servent, souvent, avec complaisance les grands médias occidentaux.
Ces images ne sont pas entièrement fausses. Mais elles masquent une autre réalité, que l’on ne peut pas encore mesurer avec des statistiques. Ou des reportages formatés. Comme le reste du monde, le monde arabe est entré dans la modernité. Ce n’est que le tout début d’une immense évolution, il y aura des échecs, probablement de la violence, mais la tendance est irréversible. Je l’ai senti, malgré les images, les caricatures, les islamistes, la guerre en Irak, la Palestine, lors de mes derniers voyages au Maghreb, en Égypte, dans les pays du Golfe.

On sent des populations ouvertes aux bouleversements de la planète, à Internet, au savoir. Ils sont arabes, nationalistes, mais ils en ont marre d’être pauvres. Ils en ont marre qu’on leur raconte n’importe quoi. On rencontre des multitudes de gens, jeunes ou moins jeunes, riches et moins riches, qui veulent plus de démocratie, d’État de droit, de justice. Qui veulent que leurs enfants soient éduqués, soignés. Avec ou sans voile, l’idée de l’égalité homme/femme avance. Des juges, des journalistes prennent des risques. L’idée économique, celle de l’impératif du développement et de la croissance, s’impose. Des entreprises, des patrons veulent entrer dans la globalisation. Après tout, une société de Dubaï tente d’acheter des ports aux États-Unis. Après tout, la télévision Al-Jazira n’est pas uniquement celle de l’internationale islamiste. On peut tout y entendre. En Égypte, les journaux dénoncent l’incurie de l’administration et du pouvoir. Le Maghreb progresse, il s’enrichit. Et un peu partout, de Casablanca à Amman, en passant par Tunis, une nouvelle génération tente elle aussi d’échapper aux pesanteurs
Et les islamistes, alors ? Ils représentent une sensibilité incontournable. Mais ils subiront la même évolution s’ils veulent participer au pouvoir, et d’une manière générale au monde de demain. Beaucoup d’entre eux se sont déjà désolidarisés du « benladenisme » et de la révolution djihadiste. Le Hamas palestinien devra répondre à l’exigence de ses électeurs tout en se faisant accepter par la communauté internationale. Si tout va bien, sous l’effet conjugué de la croissance économique, des évolutions sociales et de la mondialisation, les islamistes devront d’une manière ou d’une autre se « turquifier » pour exister.
Je sais, tout cela peut sembler optimiste. Mais je suis sûr que les Arabes ne sont pas condamnés à la décadence éternelle. Ils peuvent aller de l’avant, tout en assumant leurs spécificités culturelles, religieuses, politiques. Ils peuvent être modernes tout en ayant une opinion et une action sur la Palestine et l’Irak

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