À quoi sert de railler l’islam ?

Publié le 26 février 2006 Lecture : 2 minutes.

En quoi les caricatures du prophète Mohammed feront-elles avancer le dialogue entre l’islam et l’Occident ? Est-il judicieux de croire que railler l’islam ouvrira les musulmans aux vertus de l’échange et de l’altérité ?
L’Occident défend une règle à laquelle il tient, la liberté d’expression. Soit. Mais pourquoi ce même Occident ne reconnaîtrait-t-il pas à d’autres cultures une hiérarchie différente des valeurs qui consisterait à défendre, en l’occurrence, la dignité ? Si un Européen est prêt à mourir pour la liberté, un Arabe ne peut-il se sacrifier dès lors qu’il se sent humilié ou offensé ? Existerait-il un « terrorisme des valeurs », manié par un Occident qui entend désigner pour tous une seule façon d’être au monde ?
Pourquoi le musulman de la rue qu’on a vu sur les écrans européens se frapper la poitrine et crier : « Tuez-moi ! Tuez mon père ! Mais ne touchez pas au Prophète », serait-il d’office un « fou d’Allah » et non pas quelqu’un pour qui la foi passe avant la liberté, le respect de ses croyances avant le confort de sa vie privée, le sacré avant le profane ?

Par ailleurs, dans des sociétés musulmanes où le concept de Oumma prime celui de l’individu, pourquoi s’étonner qu’un fidèle du Prophète ait du mal à comprendre que l’on soit poursuivi pour injure raciale ou homophobie voire pour atteinte au confort du chien de la voisine, mais qu’on échappe à toute peine en s’en prenant à une figure vénérée par un milliard et demi d’êtres humains ?
Et même en considérant que l’Occident serait habilité à dicter les valeurs, pourquoi ne puiserait-il pas dans celles qui incitent à la compréhension mutuelle, au lieu de se livrer au plaisir insidieux des défis ? On demande à celui qui est fort d’être sage et de comprendre celui qui ne l’est pas. Alors que le « monde civilisé » ne rate pas une occasion de montrer un « mahométan » colérique, conservateur, voire terroriste, pourquoi s’attend-il à ce que ce même musulman accepte soudain la critique et affiche un grand sourire devant l’adversité ? Si les caricaturistes occidentaux veulent s’amuser, qu’ils ne s’étonnent pas de la réaction des « barbares ». Si les médias choisissent d’agiter le chiffon rouge, qu’ils ne fassent pas semblant demain d’ignorer les motifs qui armeront la main des preneurs d’otages et des kamikazes.

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L’on peut se demander : si le fidèle de la rue cède au démon de l’indignation et de la colère, l’intellectuel musulman ne pourrait-il pas appeler ses coreligionnaires à la raison ? Sans blague ! Il existe encore des élites dans le monde arabo-musulman ? Cette minorité moribonde que des pouvoirs locaux se sont ingéniés à étrangler grâce à leurs alliés naturels, les islamistes, et à qui l’Occident ne laisse le choix qu’entre l’allégeance ou le ressentiment ?
Quelques rescapés de cette élite ont osé : « Méfions-nous des combats d’arrière-garde et ne cédons pas à la provocation, elle ne servira qu’à ternir plus l’image de l’islam. » Sauf que le vacarme des chaînes de télévision relayant les prêches djihadistes de certains imams a vite occulté ces voix nuancées

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