L’arme de la démocratie

Publié le 26 février 2006 Lecture : 3 minutes.

Personne ne sait ce qui se passera après la prestation de serment des nouveaux parlementaires du Hamas. Quatorze des nouveaux députés palestiniens sont détenus dans des prisons israéliennes, dont dix membres du Hamas. C’est plus de 10 % du nouveau Parlement.
La seule chose qui me paraît évidente, c’est la volonté d’en finir des électeurs israéliens et palestiniens. Les élections législatives doivent avoir lieu en Israël le 28 mars. Le Likoud, à droite, dont le leader est Benyamin Netanyahou, a entamé sa campagne avec des affiches accusant Kadima, le parti centriste dirigé par le Premier ministre par intérim Ehoud Olmert, de vouloir un repli d’Israël sur les frontières de 1967. Mais ce même Likoud a rapidement fait machine arrière quand il s’est rendu compte qu’il y a aujourd’hui tant d’électeurs israéliens séduits par la perspective d’un retour à ces frontières que certains ont pu penser que c’était une affiche de Kadima, au lieu d’une attaque du Likoud contre Kadima.
Yossi Beilin, qui dirige le Meretz, parti de gauche, a ouvert, de son côté, sa campagne avec une affiche qui disait : « Beilin fera le partage de Jérusalem. » Là encore, si on avait vu cette affiche il y a dix ans, on aurait pu penser que c’était une manière de dire du mal de lui. Aujourd’hui, c’est une promesse électorale ! Après l’échec du processus de paix et la série d’attentats-suicides du Hamas, beaucoup d’Israéliens ne rêvent que d’une séparation totale d’avec les Palestiniens – et d’une barrière !
« Idéologiquement, jamais les Israéliens n’ont été plus portés à accepter un compromis, dit Ari Shavit, un chroniqueur du quotidien Haaretz. Mais pour négocier un compromis, il faut avoir un interlocuteur en qui on a confiance. Dans ces conditions, les gens sont prêts à accepter n’importe quoi. L’écrasante majorité des Israéliens est désormais favorable à la solution des deux États. Mais nous sommes devenus raisonnables au moment où les Palestiniens, eux, ont perdu la raison. »
Les Palestiniens ont préféré au vieux Fatah de Yasser Arafat le Hamas, qui veut éliminer Israël et créer un État islamique occupant toute la Palestine. Ainsi, constate Shavit, au moment où la majorité des Israéliens acceptent les deux États, les Palestiniens élisent un parti qui n’en veut qu’un seul.
Mais est-ce bien le cas ? Il est évident que le Fatah et ses alliés, derrière le président palestinien Mahmoud Abbas, ont fait une campagne d’une stupidité qui dépasse l’entendement. Il n’y a pas eu la moindre discipline, et dans de nombreuses circonscriptions, le Fatah et ses alliés laïcs et nationalistes présentaient quatre candidats alors que le Hamas n’en avait toujours qu’un seul. Les voix du Fatah se sont éparpillées, pas celles du Hamas. Total : le Hamas n’a recueilli que 44 % des suffrages, mais a conquis 56 % des sièges, et le Fatah, qui a recueilli 56 % des suffrages, n’en a eu que 43 %.
Le Hamas a manifestement été élu pour nettoyer les écuries d’Augias. Mais il a aussi été élu parce que sa campagne d’attentats-suicides a fait partir Israël de Gaza, et donc redonné aux Palestiniens un semblant de dignité, ce que n’avait pas fait le Fatah. Israël, avec le soutien américain, affirme qu’il suspendra tous ses contacts avec une Autorité palestinienne à la botte du Hamas et mettra fin à toute contribution financière si le Hamas ne renonce pas à la violence, ne reconnaît pas Israël et n’accepte pas tous les accords passés entre Israël et l’OLP. Certains Israéliens espèrent qu’un gouvernement dirigé par le Hamas et à court d’argent sera réduit à l’impuissance et qu’Abbas pourra alors organiser de nouvelles élections. Je ne pense pas que les choses soient aussi simples.
Le sentiment que j’ai eu en rencontrant les dirigeants du Hamas est qu’ils seront modérés et patients, qu’ils essaieront de gouverner aussi longtemps que possible sans argent étranger, d’améliorer la gestion des affaires en espérant que la société palestinienne restera solide – et que le monde arabe et l’Europe interviendront d’une manière ou d’une autre pour empêcher Israël et les États-Unis de priver le Hamas de son légitime mandat.
Comme le remarquait Farhat Assad, le porte-parole local du Hamas : « Je remercie les États-Unis de nous avoir donné l’arme de la démocratie. Mais on ne peut plus revenir en arrière. Il est impossible que les États-Unis et la communauté internationale rejettent une démocratie élue. »
Mais le Hamas aura fort à faire pour administrer la Cisjordanie, où il ne dispose pas d’autant de personnel et d’armes que le Fatah. Comme le disait l’analyste israélien Gidi Grinstein, le Hamas « est comme un serpent qui a avalé un éléphant ». Il a beaucoup à digérer avant de pouvoir s’engager résolument dans une direction.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires