Incontournable ?

Publié le 26 février 2006 Lecture : 3 minutes.

« Forces : devenu politicien par les circonstances de lutte contre le pouvoir de Laurent-Désiré Kabila. Accointances ougandaises et belges. Courageux. Faiblesses : fils à papa. Passé mobutiste. Impulsif, autoritaire, insensible aux doléances des autres. Nom cité dans les affaires du cannibalisme en Ituri et du pillage des ressources naturelles. Érosion de son leadership dans sa province d’origine, l’Équateur. » Ces quelques lignes consacrées à Jean-Pierre Bemba n’ont qu’une valeur anecdotique. Elles sont extraites d’un document anonyme pompeusement baptisé « Fiche signalétique des candidats à la présidence de la RDC » qui a beaucoup circulé sur Internet. Elles en disent long, toutefois, sur l’image actuelle du leader des ex-rebelles du Mouvement de libération du Congo (MLC).
Jean-Pierre Bemba Gombo, 44 ans, a réussi à se faire un prénom. Fils de Jeannot Bemba Saolana, l’ancien patron des patrons zaïrois, il a passé une bonne partie de sa jeunesse en Belgique. Diplômé de l’Institut catholique des hautes études commerciales de Bruxelles, il rentre au pays à la fin des années 1980 et se lance dans toutes sortes d’affaires. Il noue des relations avec les rebelles angolais de l’Unita, réinvestit ses bénéfices dans la téléphonie mobile, avec l’opérateur Comcell.
Quand Mobutu est chassé du pouvoir, en mai 1997, Bemba relocalise d’abord ses activités entre la Belgique et Faro, au Portugal, pays dont est originaire une partie de la famille de son père. Sponsorisé par les Ougandais, il se lance ensuite, mais à son compte, dans le business de la rébellion, en septembre 1998. Le Chairman troque le complet veston contre le treillis. Avec l’aide de son ami d’enfance Olivier Kamitatu (aujourd’hui président de l’Assemblée nationale), et de François Muamba (aujourd’hui ministre du Budget), il structure son mouvement en recyclant d’anciens soldats mobutistes. Il prend le village natal du maréchal, Gbadolite, en juillet 1999, et en fait sa capitale. Il s’y ennuie ferme, mais met à profit cet exil intérieur pour parfaire sa connaissance du pays profond, et se perfectionner en lingala.
Bemba devient un des quatre vice-présidents de la transition, le 30 juin 2003, et retourne à Kinshasa. Mais son arrogance, son train de vie dispendieux, et le comportement brutal de ses gardes du corps lui font perdre une partie du préjugé favorable dont il jouissait dans la capitale. Passionné d’aviation – il a racheté, pour son usage personnel, le Boeing 727 ayant appartenu au Libérien Charles Taylor -, il a gardé de sa jeunesse des réflexes de flambeur. Et brigue maintenant la magistrature suprême. Il veut se faire l’artisan de la « régénération morale » de la nation. Fier de ses origines, et revendiquant haut et fort sa congolité, il se dit libéral, par mélange de conviction et de pragmatisme.
Son image de businessman moderne peut être un atout dans une compétition qui s’annonce très incertaine. Ses ministres ont un bilan : maîtrise de l’inflation, triplement des recettes fiscales de l’État, croissance. Cela suffira-t-il à emporter l’adhésion d’une majorité d’électeurs ? En réalité, Jean-Pierre Bemba sait qu’il n’est pas assuré de figurer au second tour, mais veut se rendre incontournable. Il rêve d’être à l’origine d’un large rassemblement des patriotes congolais, qui, si elle se concrétisait, pourrait lui ouvrir les portes de la primature.
Accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, il traîne une réputation sulfureuse. Mais, s’il reconnaît qu’il y a eu des dérapages, il se défend d’avoir commandité ou couvert une quelconque exaction. « Au contraire, je suis pour l’impunité zéro, explique-t-il. Tous les cas d’abus portés à ma connaissance ont été examinés, instruits, et il y a eu 183 sanctions prononcées par des tribunaux civils et militaires. J’ai fait le ménage, tout le monde ne peut pas en dire autant ! Quant à l’affaire du cannibalisme en Ituri, c’est une grossière machination inventée par Kabila et son groupe. Nous sommes allés chercher les Pygmées qui avaient soi-disant été mangés, nous les avons ramenés à Kinshasa, avec le concours de la Monuc, pour les présenter à la presse. Ils ont avoué qu’ils avaient été manipulés et soudoyés. Je ne crois pas que mes compatriotes se laisseront influencer par ces balivernes… »

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