Les figures de l’opposition

Publié le 26 janvier 2005 Lecture : 5 minutes.

Moustapha Niasse
Un honnête homme plein d’expérience
S’installer dans le fauteuil de Léopold Sédar Senghor serait une suite logique pour lui qui a plusieurs fois été ministre et deux fois Premier ministre. Ce dinosaure de la vie politique sénégalaise, aujourd’hui âgé de 65 ans, a le profil de la fonction, au vu de sa
longue expérience : directeur de l’information et de la presse en 1967, directeur de cabinet de Senghor en 1970, ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Environnement entre mars et septembre 1979, et ministre des Affaires étrangères de 1979 à 1983. Puis, après une période de disgrâce longue d’une décennie, à nouveau chef de la diplomatie sénégalaise de 1993 jusqu’en 1998, où il demande à Abdou Diouf d’être « libéré », après avoir été reconduit dans le gouvernement de Mamadou Lamine Loum.
De tous les prétendants actuels à la succession d’Abdoulaye Wade, Moustapha Niasse est le seul à avoir eu une expérience du monde des affaires, entre 1984 et 1993.
Ex-collaborateur de Senghor et de Diouf, ténor puis adversaire du régime du PS, le leader de l’AFP depuis juillet 1999 joue l’une de ses toutes dernières cartes en 2007. S’il n’est pas élu à la prochaine élection présidentielle, il ne pourra, sauf imprévu, se soumettre de nouveau au suffrage des électeurs qu’à l’âge de 73 ans, en 2012. Si Wade a accédé au pouvoir à 74 ans, les adversaires de Niasse évoquent son diabète (du reste bénin) pour laisser entendre qu’il ne sera pas, dans huit ans, dans les conditions d’exercer la plus haute fonction de l’État. Nul ne sait. La politique n’est ni une science exacte ni un exercice de divination.

Amath Dansokho
Éternel militant
C’est sans nul doute l’homme politique le plus franc et le plus direct du Sénégal. Amath Dansokho abhorre la langue de bois et se fait le défenseur de la transparence. À 68 ans (il est né à Kédougou, à l’extrême-est du Sénégal), il continue d’être ce qu’il n’a jamais cessé d’être : un militant. Depuis qu’il a lu, à l’âge de 14 ans, Le Fils du peuple du communiste français Maurice Thorez, il lutte pour le « Grand Soir ». En 1957, il dirige une grève au lycée Faidherbe de Saint-Louis, adhère au Parti africain de l’indépendance (PAI, de Mahjmout Diop) la même année, interrompt ses études d’économie à l’université de Dakar en 1960 pour échapper à la répression après la dissolution du PAI, entame une vie d’exil entre Bamako, Alger, Cuba et Prague.
C’est en Tchécoslovaquie qu’il fait des études de journalisme, épouse une Française du nom d’Élisabeth Feller, avant de revenir au Sénégal en 1977 à la faveur de l’amnistie générale décrétée par Senghor.
Il fonde en 1981 le PIT, un petit parti de fonctionnaires et intellectuels de gauche aujourd’hui aux prises avec le pouvoir de Wade.
D’une santé fragile, épisodiquement en France pour des soins, Dansokho conserve sa liberté de parole et toute son ardeur combative. S’il n’a pas les moyens de remporter une élection, il a une verve qui peut faire mal, très mal.

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Ousmane Tanor Dieng
À la tête d’un PS insubmersible
Ce technocrate raffiné d’un commerce agréable et d’une infinie courtoisie risque de finir dans l’estomac des crocodiles du marigot politique sénégalais. Quand on rencontre aujourd’hui cet homme de 56 ans, seul dans son modeste bureau au siège du PS situé au quartier Colobane à Dakar, on réalise toute la brutalité de la vie politique. Ousmane Tanor Dieng était l’homme le plus entouré et le plus courtisé du Sénégal, de 1988 à 2000. Principal collaborateur d’Abdou Diouf, puis premier secrétaire de son parti, Dieng qui n’y a adhéré « que » en 1981 a suscité, par son ascension rapide, l’ire des « historiques » du PS, provoqué les dissidences de Djibo Kâ et de Moustapha Niasse, servi d’exutoire à de nombreux responsables et militants socialistes qui lui ont imputé la défaite de Diouf de mars 2000
Ce diplomate de carrière, qui rêvait de devenir ambassadeur, s’est retrouvé par accident dans la tourmente de la politique. Sorti breveté de l’École nationale d’administration
et de magistrature de Dakar (option diplomatie) en 1976, il a débuté sa carrière comme conseiller au ministère des Affaires étrangères.
Par l’entremise d’Alassane Baro, un conseiller diplomatique de Senghor, qui a suggéré son nom à l’ex-chef de l’État, Dieng est devenu conseiller à la présidence en 1978. Il garde son poste sous Diouf jusqu’en 1988, devient directeur de cabinet, avant de monter en flèche.
Ousmane Tanor Dieng a l’avantage de ne pas être âgé et de ne pas avoir d’ennui de santé connu. Il a le temps pour se forger une personnalité propre de leader et pour se muer en politique.

Talla Sylla
Le trublion de la classe politique
Ce jeune loup aux très longues dents est le Guillaume Soro, les armes en moins, de la vie politique sénégalaise. Âgé seulement de 39 ans, Talla Sylla a une histoire personnelle qui se confond avec les grèves et perturbations qui ont secoué l’école sénégalaise au cours des années 1990. Exclu pour indiscipline du lycée Seydou-Nourou-Tall de Dakar en 1984, puis du lycée Limamoulaye de Pikine en 1985, Sylla est le maître d’uvre de la
grève de 1988 qui a accouché de la première année blanche de l’histoire du pays.
Élevé dans les milieux de gauche (il a adhéré à 14 ans au PAI), il se rapproche de Wade en 1988, crée en août 1992 Jeunesse pour l’alternance (JPA), une structure de soutien au
leader du PDS. La JPA devenu en janvier 1997 un parti politique dénommé Alliance pour le progrès et la justice (APJ/Jëf-Jël), puis Alliance Jëf-Jël en juin 2000, Sylla soutient Wade aux élections municipales de 1996, se retrouve avec Djibo Kâ aux législatives de mai 1998, rejoint Moustapha Niasse à la présidentielle de février et mars 2000.
Élu unique député de son parti aux législatives d’avril 2001, il interrompra son mandat pour céder sa place à son suppléant. Motif? Il invoque le déficit de dialogue démocratique à l’Hémicycle.
Talla Sylla est une bête de communication, même si sa démarche est peu lisible et ses alliances pour le moins saisonnières. Réussira-t-il à prendre la place « quand tous les vieux seront morts » ? Ne sera-t-il pas usé ou grillé d’ici ?

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