Grande plume, grandes causes

Publié le 26 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Anthony Sampson est mort à Londres le samedi 18 décembre, d’une crise cardiaque, à l’âge de 78 ans, le jour même où paraissait dans The Independent son dernier éditorial, consacré à « une nouvelle bataille cruciale dans la longue histoire du développement
de la démocratie britannique ». « La défense des valeurs démocratiques et des droits civiques » une formule tirée de cet article a été le grand combat de ce journaliste qui fut aussi un écrivain, et pas des moindres, auteur de « livres cultes ». Son Anatomy
of Britain, parue en 1962 et traduite en français (Radioscopie de l’Angleterre), a été
rééditée en 1965, 1971, 1982, 1992, et actualisée au printemps 2004, sous le titre Who Runs This Place ? The Anatomy of Britain in the 21st Century. Sampson a également écrit un livre sur l’industrie pétrolière, The Seven Sisters (en français Les Sept Surs : les compagnies pétrolières et le monde qu’elles ont créé, 1976), qui lui a valu le Prix international de la presse de Nice. Et une vingtaine d’autres, dont sept ont été édités en français.

Mais l’ouvrage le plus monumental de ce diplômé d’Oxford a été, en 1999, sa « biographie autorisée » de Nelson Mandela, dont le Groupe Jeune Afrique a extrait une version française pour La Revue de l’intelligent. Comme pour le Philéas Fogg de Jules Verne, tout a commencé par un défi. En 1951, à 25 ans, Sampson reçoit un télégramme d’un de ses
condisciples d’Oxford lui proposant la rédaction en chef de l’hebdomadaire sudafricain
antiapartheid Drum. « Je ne connaissais rien aux affaires, ni au journalisme, ni à l’Afrique, j’ai donc accepté », racontera-t-il plus tard. Il y restera quatre années, dont il fera le récit dans Drum: An African Adventure, en 1956. De ses livres, c’était celui qu’il préférait, et il en fera une réédition en 1983.
C’est dans un shebeen de Soweto que Sampson a fait la connaissance du jeune avocat Nelson Mandela, déjà militant du Congrès national africain (ANC). Soweto est le faubourg noir de Johannesburg, et le shebeen était l’un de ces petits cafés-théâtres où fit ses débuts la grande chanteuse Miriam Makeba. Sampson devait revenir très régulièrement en Afrique du Sud, jusqu’à ces dernières années. C’est à lui que Mandela a confié la dernière relecture du célèbre discours de quatre heures qu’il a prononcé au procès de Rivonia, à Pretoria, en
juin 1964. « Madiba », accusé d’avoir participé à un plan de « renversement du pouvoir blanc par la force et la violence », risquait la peine de mort. Il fut condamné, à 46 ans, à la prison à vie. Il devait rester vingt-sept ans en détention.

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De son ami, Mandela a dit : « Il portait à l’Afrique un intérêt que l’on trouve rarement
dans le monde développé et dont il ne s’est jamais départi Je n’ai pas hésité à lui donner mon accord pour qu’il écrive ma biographie autorisée. Je savais qu’entre ses mains notre cause serait très justement présentée. »
À l’annonce du décès de Sampson, la Sud-Africaine Nadine Gordimer, Prix Nobel de littérature, a évoqué leur demi-siècle d’amitié et rappelé qu’il avait « encouragé les journalistes noirs à dénoncer les brimades dont ils étaient victimes Il venait d’un
milieu très aisé, mais il a su établir un incroyable contact à travers la barrière de la couleur ». Le président Thabo Mbeki lui-même a tenu à rendre hommage au « très grand journaliste qui s’est battu avec sa plume contre l’apartheid » et est resté « le fidèle ami d’une Afrique du Sud démocratique ».

Collaborateur de The Observer à son retour à Londres, professeur à l’université de Vincennes, près de Paris, en 1968-1970, collaborateur de Newsweek aux États-Unis, Anthony Sampson a été directeur du New Statesman de 1979 à 1983. Il travaillait depuis 1995 pour The Independent, où il publiait chaque samedi un éditorial et qui lui a consacré le 21 décembre une page entière. Son nom figurait en bonne place dans l’ours de Jeune Afrique/l’intelligent, où il a écrit régulièrement ces dernières années. Il était très
affecté par les « terribles conséquences » de la guerre en Irak et fier d’avoir participé
à la grande marche qui a eu lieu à Londres avant le bombardement de Bagdad en mars 2003.

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