« Lolita », 50 ans après
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Contre toute attente, c’est un éditeur français, Olympia Press, qui prend le risque, en septembre 1955, de publier le texte, et de le faire dans sa langue originale. Cinquante ans plus tard, Lolita s’est vendu à 50 millions d’exemplaires dans le monde entier. Mais le roman continue de semer le trouble. Dans le New York Times, Charles McGrath s’est rendu à l’évidence la semaine dernière : « Contrairement à la plupart des livres controversés, la lame de Lolita ne semble pas s’être émoussée avec le temps. Là où Ulysse ou L’Amant de lady Chatterley, par exemple, ont désormais un air familier, inoffensif, voire même charmant, le chef-d’oeuvre de Nabokov est encore plus dérangeant qu’il ne l’était jadis. »
Sentiment que semblent partager bien des critiques américains qui ont tendance à mêler l’émoi ressenti à la lecture du texte à des considérations morales sur la pédophilie et sa prise de conscience récente dans l’opinion publique. Comment faire la part du politique et du romanesque ? L’Amérique, cinquante ans après, en est toujours là quand paraît, il y a quelques semaines, chez Vintage, une nouvelle édition dont la couverture est ornée d’une bouche charnue et blanche. L’éditeur est le premier à annoncer une iconographie « provocante » alors même que celle-ci est d’une franche banalité… Et que dire de ces journaux et revues qui accumulent les articles censés démontrer, d’un même trait, la monstruosité viscérale d’Humbert, et les vertus régénératrices de l’art ? Nabokov les avait mis en garde : « Lolita ne traîne aucune morale derrière elle. » Restent les mots, flamboyants et traîtres, « la seule immortalité que toi et moi puissions partager, ma Lolita ».
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