Joseph Kabila Étienne Tshisekedi

Publié le 25 décembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Le fils à papa contre le vieil opposant : à première vue, ce combat rappelle le duel entre Faure Gnassingbé et Emmanuel Bob Akitani, au Togo, au mois d’avril dernier. Mais en République démocratrique du Congo, le jeu politique est opaque. Plein de faux-semblants.
Ce qui est sûr, c’est que les deux hommes ne s’aiment pas. Joseph Kabila ? « Un pantin », lâche Étienne Tshisekedi dans un haussement d’épaules. Tshisekedi ? « Un homme vieux et malade », persiflent les proches du président congolais.
De fait, tout les oppose. Leur âge, bien sûr : 34 ans pour l’un, 73 ans pour l’autre. Presque deux générations d’écart… Leur formation, aussi : l’un est autodidacte, l’autre juriste. Kabila a été successivement négociant à Kigoma (Tanzanie), dans la pêcherie de Laurent-Désiré, son père, puis jeune officier dans la rébellion anti-Mobutu, puis chef d’état-major de l’armée de terre au lendemain de la victoire de 1997. Tshisekedi a obtenu son diplôme de droit en 1965. Ministre de Mobutu, il a rompu avec lui en 1980. Depuis, il incarne l’opposant irréductible à toutes les dictatures.
Même leur vie privée les sépare. Le jeune président est d’une extrême discrétion : pas d’épouse officielle, pas de première dame au cas où… « E.T. », lui, partage sa vie depuis plus de quarante ans avec Marthe, une femme de caractère. Peut-être la seule personne qu’il écoute.
Seul point commun, ils dirigent à l’heure actuelle les deux plus grosses écuries politiques du pays. Certes, tout est toujours possible en RDC, même une alliance surprise entre les deux hommes, mais, pour l’instant, personne n’y songe. Logiquement, dans quelques mois (sans doute avant le 30 juin prochain), ce devrait être l’affrontement. Au mieux dans les urnes. Au pire dans la rue.
Deux hypothèses. Soit l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti de Tshisekedi, intègre le processus électoral, et les deux leaders s’affrontent à la régulière. Soit elle reste hors jeu, comme le souhaite presque ouvertement le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de Kabila, et là, tous les coups seront permis : manifestations de rue, opérations « ville morte », peut-être le chaos…
En prévision de cette bataille, chacun compte ses atouts. Kabila peut prétendre à bon droit avoir ramené la paix. Il peut s’appuyer sur la formidable « machine à sous » que constitue le PPRD, auquel appartiennent plusieurs directeurs de riches sociétés d’État, et bénéficie du soutien – trop voyant – de Jacques Chirac. Mais, aux yeux de beaucoup, le chef de l’État est sans doute un peu « court ». « En 2006, on ne peut se permettre d’avoir un président dépourvu de diplômes », disent de nombreux Congolais. Est-ce la raison de sa timidité ? Joseph Kabila parle peu en public et le plus souvent en petit comité. Enfin, le futur candidat risque de traîner comme un boulet l’image du PPRD, qui passe à Kinshasa pour un « repaire de corrompus ».
Tshisekedi a lui aussi quelques cartes dans sa manche. Vingt-cinq années de résistance farouche aux régimes de fer de Mobutu et de Kabila père lui ont donné une vraie légitimité politique et une indiscutable popularité. Mieux, il a toujours refusé la lutte armée – une exception dans ce pays ! Mais « le sphinx de Limete » (du nom du quartier résidentiel de la capitale où il habite) est aussi l’homme des occasions manquées. Pendant les pillages de 1993, le pouvoir était à ramasser, ce qu’il s’est abstenu de faire. Depuis, ses adversaires le surnomment méchamment « l’opposant pathologique ». En boycottant le processus électoral en 2005, il a pris l’énorme risque de s’autoexclure de la présidentielle à venir. À son âge, l’occasion risque de ne pas se représenter. De quoi désespérer les militants purs et durs de l’UDPS, qui attendent le « grand soir » depuis si longtemps, au prix d’énormes sacrifices.
Kabila ou Tshisekedi, l’héritier ou le tribun ? L’équation n’est peut-être pas aussi simple. Car le duel annoncé pourrait être arbitré par un troisième homme. Par exemple, un ancien mobutiste qui rallierait sur son nom plusieurs partis anti-Kabila. Ou encore un représentant de la société civile – un professeur, un pasteur ? – qui se présenterait sur le thème : « Je n’ai jamais fait de mal et n’ai jamais rien volé. » Bref, toutes les cartes politiques ne sont pas encore sorties.

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