Du rififi au Fatah

Publié le 25 décembre 2005 Lecture : 3 minutes.

A l’issue des municipales partielles du 15 décembre, organisées dans quatre grandes villes de Cisjordanie et trente-huit petites localités de Cisjordanie et de Gaza, le Fatah, principale organisation de l’OLP, a obtenu 35 % des sièges, contre 26 % pour le Hamas, le reste allant à d’autres formations ou à des candidats indépendants. Une victoire au goût amer, car le parti du président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, a été battu pour la première fois par le Mouvement de résistance islamique dans trois grandes villes : Naplouse, Jénine et El-Bireh.
Ce coup de semonce est d’autant plus inquiétant qu’il intervient à quelques semaines des premières législatives, prévues pour le 25 janvier. Et aussi, à un moment où le mouvement nationaliste palestinien, créé en 1957 par Yasser Arafat, est en proie à de graves dissensions entre la vieille garde rentrée d’exil, souvent critiquée pour son incompétence et sa corruption, et les jeunes cadres issus des Territoires, qui ont fait leurs armes dans l’Intifada.
Les « dirigeants historiques » s’étant finalement imposés dans la liste officielle du Fatah aux prochaines législatives, en dépit de la très large victoire, lors des primaires, des tenants du rajeunissement, ces derniers ont voulu marquer leur colère en déposant, le 14 décembre, auprès de la Commission électorale centrale (CEC), à Ramallah, quelques minutes avant la clôture des inscriptions, une liste rivale baptisée Al-Moustaqbal (« L’Avenir »).
Les deux clans rivaux ont cependant opté pour une même tête de liste : Marwane Barghouti. Ce dernier, ancien responsable du Fatah pour la Cisjordanie, qui purge cinq peines de prison à perpétuité en Israël, apparaît aujourd’hui, aux « anciens » et aux « jeunes », comme le seul candidat capable d’enrayer la montée en puissance des islamistes. N’ayant pas pu – ou voulu – arbitrer le différend opposant les deux ailes de son mouvement, le plus populaire des Palestiniens a finalement choisi de conduire la liste des dissidents. Conséquence : le Fatah se présentera au prochain scrutin en rangs dispersés. Cela pourrait brouiller davantage son image auprès des électeurs palestiniens, déjà décontenancés par les actions musclées menées en Cisjordanie et à Gaza par des éléments des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, bras armé du Fatah, et les affrontements opposant les représentants des deux camps. En donnant leurs voix, lors des dernières municipales, aux candidats du Hamas, certains des électeurs traditionnels du Fatah ont voulu mettre en garde les dirigeants du mouvement contre un nouveau vote sanction aux prochaines législatives.
La lutte pour le pouvoir au sein du mouvement national palestinien et des instances de l’AP n’est pas un phénomène nouveau. Mais elle a toujours été maîtrisée et circonscrite, grâce à l’entregent de feu Yasser Arafat, qui avait su maintenir l’équilibre des forces et préserver l’unité du Fatah, de l’OLP et de l’AP, dont il était d’ailleurs le chef incontesté. Sa disparition a laissé un grand vide qu’Abbas n’a pas su combler.
Cet affaiblissement du leadership palestinien, conséquence de dix ans de mauvaise gouvernance, de gabegie sécuritaire et de marasme économique, a fini par susciter des vocations parmi les jeunes dirigeants du Fatah, qui veulent aujourd’hui en finir avec la « légitimité historique » représentée par les anciens compagnons d’Arafat, libérer le Fatah de la tutelle de l’OLP et oeuvrer, au sein d’un Fatah rénové et d’une AP assainie, pour la création d’un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza.
Ce sont là, en tout cas, les grandes orientations d’avenir retenues par Nacer al-Qidwa, ministre des Affaires étrangères de l’AP et président de la commission politique du Fatah, dans un document qui devra être discuté au congrès de l’organisation, en mars 2006. En affichant prématurément leurs divergences, les deux camps ont-ils voulu précipiter une explication qui ne saurait tarder ?

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