Charles Konan Banny Laurent Gbagbo

Publié le 25 décembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Imposé au poste de Premier ministre par les chefs d’État impliqués dans le règlement de la crise ivoirienne, Charles Konan Banny (63 ans) devra relever d’ici au mois d’octobre 2006 un redoutable défi : faire accepter au président Laurent Gbagbo ce que ni les différents accords de paix, ni les médiations entreprises par ses pairs n’ont réussi à lui arracher. Réussira-t-il là Seydou Elimane Diarra, son prédécesseur, a échoué ? Ou sera-t-il contraint de regagner plus tôt qu’il ne l’avait prévu le poste de gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) qu’il occupe depuis quinze ans ?
Baoulé originaire de Divo, dans le centre du pays, Konan Banny mesure parfaitement la difficulté de sa tâche – restaurer la paix et ne se fait aucune illusion quant aux intentions des crocodiles qui peuplent le marigot politique ivoirien. Il sait qu’il aborde le virage le plus périlleux de sa carrière. Et que sa réussite ou son échec dépendent essentiellement d’un homme : Laurent Gbagbo.
Konan Banny n’a de chance de mener à bien sa mission que si le chef de l’État et ses partisans regroupés au sein de la « galaxie patriotique » cessent de jouer la Constitution contre les accords de paix. Manifestement, on en est encore loin. Président de l’Assemblée nationale et idéologue du régime, Mamadou Koulibaly s’est en effet empressé de dénoncer le mode de désignation du Premier ministre par « des chefs d’État étrangers à l’occasion d’un sommet dit Afrique-France ». Ce qui, selon lui, porte un coup fatal au « mythe de notre indépendance ».
Pour démontrer qu’il n’a pas perdu le contrôle de la situation, Gbagbo a entériné le choix des médiateurs par le décret 558/2005 en date du 5 décembre. Maintenu en place jusqu’en octobre 2006 au plus tard, mais dépouillé de jure de l’essentiel de ses prérogatives, Gbagbo conserve de facto les principaux leviers du pouvoir. Charles Blé Goudé, le leader des « Jeunes patriotes », ce « bataillon de la rue » qui, au service du chef de l’État, a largement contribué à paralyser l’application des accords de Marcoussis (janvier 2003), s’est montré tout à fait clair : « Avant d’arrêter notre démarche, nous attendons de voir si Charles Konan Banny s’inscrit dans le cadre de la République ou s’il travaille pour l’ennemi. »
Il en faudra sans doute davantage pour ébranler la détermination de l’intéressé, fort du soutien de la France, des Nations unies, de l’Union africaine et des chefs d’État de la région. Cet homme de caractère sait qu’il a été imposé à Gbagbo par la communauté internationale. En théorie, la résolution 1633 (du 21 octobre) du Conseil de sécurité des Nations unies lui attribue « tous les pouvoirs nécessaires […] ainsi que toutes les ressources financières, matérielles et humaines voulues, en particulier dans les domaines de la sécurité, de la défense et des affaires électorales ». Il lui revient également de « conduire le programme de Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), et les opérations de démantèlement des milices, et d’assurer l’équité de l’opération d’identification et d’inscription des électeurs, ce qui permettrait d’organiser des élections libres, ouvertes, régulières et transparentes ». Reste à savoir s’il obtiendra la coopération de Gbagbo. Ou si un clash entre les deux hommes est inévitable.
De ce point de vue, le rôle de Jean Konan Banny, frère aîné du Premier ministre et ami personnel du chef de l’État, pourrait se révéler important pour aplanir d’éventuels différends. Ceux de l’avocat français Robert Bourgi et de François Konian, le propriétaire de la radio abidjanaise Jam FM, aussi. Les deux hommes entretiennent d’excellentes relations tant avec le président qu’avec le chef de son gouvernement et ont déjà beaucoup travaillé à leur rapprochement au cours des derniers mois.

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