Maroc Télécom : les acheteurs au banc d’essai
Alors que le français Vivendi a mis en vente sa filiale marocaine pour 5,5 milliards d’euros, la bataille est ouverte entre le sud-coréen KT, l’émirati Etisalat et le qatari Qtel pour la reprise de l’opérateur. Quel est le meilleur parti pour le marocain ?
Avenue de Friedland, dans les beaux quartiers de Paris, l’état-major de Vivendi fait grise mine. L’échec, mi-mars, de la vente de l’opérateur de télécoms brésilien GVT, estimé à 7 milliards d’euros, a accentué la pression du marché sur le groupe. Si les investisseurs avaient bien accueilli, il y a un an, sa volonté de se recentrer sur ses activités de médias et de divertissement en cédant ses actifs télécoms, ne voyant rien venir depuis, ils commencent à s’impatienter. Dans ce contexte, vendre Maroc Télécom devient plus urgent que jamais. Là encore, Vivendi tente de se séparer d’un de ses joyaux. Même si l’opérateur marocain a accusé un recul de son chiffre d’affaires (2,7 milliards d’euros) de 3,5 % pour la seconde année consécutive, il reste beaucoup plus rentable que ses homologues européens. Leader sur son marché, il compte 18 millions de clients mobiles dans le royaume et 13 millions dans ses filiales africaines au Mali, au Burkina Faso, en Mauritanie et au Gabon.
Détenteur de 53 % du capital, le conglomérat français attend 5,5 milliards d’euros de la transaction. Si dans un premier temps le sud-africain MTN, le saoudien STC et France Télécom avaient affiché un certain intérêt, seuls le sud-coréen KT Corporation, le qatari Qtel et l’émirati Etisalat sont toujours en lice pour ce qui sera l’un des plus importants contrats de l’année sur le continent. Jeune Afrique fait les présentations.
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Le sud-coréen KT est sans conteste le candidat le plus inattendu. Outre les télécoms (60 % de ses revenus), l’ancien opérateur public est présent dans les médias, l’immobilier ou encore la location de véhicules. KT bénéficie d’une très bonne image due à son expertise dans l’exploitation des réseaux très haut débit (4G-LTE). Si son endettement s’est alourdi ces dernières années, il conserve les moyens de ses ambitions. Principaux points faibles : son manque d’expérience à l’international et sa méconnaissance du Maroc. La différence culturelle pourrait être un frein, juge Ismail El Kadiri, analyste de la banque BMCE. « Pour gommer son désavantage vis-à-vis de l’État marocain, détenteur de 30 % du capital, KT proposerait de faire de Maroc Télécom la tête de pont de ses opérations en Afrique », explique l’avocat Hervé Castelnau, du cabinet Jones Day. Le continent figure en effet depuis un an parmi ses cibles prioritaires. Mais, selon Erhan Gurses, analyste télécoms chez Bloomberg, les synergies entre les opérations de KT et celles de Maroc Télécom seront a priori faibles. Il serait par conséquent surprenant que le coréen fasse l’offre attendue par Vivendi.
noreferrer" target="_blank" type="image" class="jcepopup">Qtel, le candidat naturel
En revanche, Qtel, renommé Ooredoo en février dernier, semble le candidat naturel pour le rachat de Maroc Télécom. Depuis cinq ans, le qatari s’est lancé avec succès dans une formidable stratégie d’expansion. Il opère aujourd’hui dans seize pays, principalement musulmans, et compte 90 millions de clients. « Déjà présent en Algérie [Nedjma] et en Tunisie [Tunisiana], Qtel connaît bien les comportements et les attentes des utilisateurs », souligne Mai Barakat, analyste d’Informa Telecoms. Selon Jean-Michel Huet, associé du cabinet BearingPoint, il est en revanche probable que Qtel se sépare des filiales subsahariennes de Maroc Télécom, une zone dans laquelle il n’affiche pour l’heure aucune ambition. Si la proximité culturelle du Qatar et du Maroc est un avantage indéniable, la volonté d’influence du micro-État dans les pays arabes pourrait constituer un bémol pour le Palais. Une dimension géopolitique qu’il convient néanmoins de ne pas surestimer. En revanche, la résistance du management de Maroc Télécom à une prise de contrôle par Qtel pourrait être un obstacle plus sérieux. Certains de ses cadres estimeraient en effet que le groupe qatari n’est pas suffisamment innovant.
Etisalat en pole position ?
Un déficit d’image que ne connaît pas Etisalat. L’opérateur émirati est en effet l’un des premiers au monde à avoir lancé, fin 2011, un réseau mobile très haut débit. Il était déjà candidat au rachat de Meditel en 2010 avant d’être doublé par France Télécom, et ses équipes connaissent les circuits de décisions marocains. Côté finance, pas de souci non plus. Selon Bloomberg, le groupe affiche un faible ratio d’endettement. Il faut dire que l’acquisition de Maroc Télécom est pour Etisalat, déjà actif dans dix-huit pays dont onze en Afrique, une belle opportunité d’intégrer les rangs des plus gros acteurs du continent. « Leurs implantations sont complémentaires [à l’exception du Gabon, NDLR], et Maroc Télécom permettrait au groupe émirati de développer les activités d’échanges de données au moment où cela devient plus important », estime Russell Southwood, du cabinet Balancing Act. Une acquisition que les dirigeants d’Etisalat n’entendent cependant pas faire à n’importe quel prix. En janvier, ils ont transmis une offre à 4,5 milliards d’euros, soit 1 milliard de moins que l’estimation de Vivendi.
Si les deux opérateurs du Golfe font figure de favoris, rien n’est cependant fait. D’ailleurs, il est peu probable que la vente puisse avoir lieu rapidement comme l’aurait souhaité Vivendi : les autorités marocaines souhaitent en effet voir un pool d’investisseurs locaux entrer dans le capital. « Une opportunité de faire baisser la facture du principal acquéreur, mais qui pourrait ralentir la conclusion d’un accord », indique une source marocaine proche du dossier.
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