Kagamé et les fantômes

Publié le 25 novembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Sauf coup de théâtre – qui ne pourrait provenir que de Paris -, le divorce franco-rwandais va donc entrer le 27 novembre dans sa seconde année. On ne le sait pas assez : le Rwanda est le seul pays au monde avec lequel la France n’entretient officiellement aucune relation diplomatique, alors même que ce pays demeure encore (mais pour combien de temps ?) un espace largement, si ce n’est majoritairement, francophone. Certes, le départ de Jacques Chirac, très méfiant vis-à-vis du pouvoir de Kigali, et l’arrivée au Quai d’Orsay de Bernard Kouchner ont ouvert des perspectives nouvelles. Mais la normalisation franco-rwandaise butte toujours sur un double obstacle. Côté français, l’absence d’une vraie volonté politique de réconciliation – celle-là même qui permet en ce moment à Paris de renouer avec l’Angola, en dépit des péripéties judiciaires – se fait toujours sentir. Sans aller jusqu’à l’expression publique d’une repentance, que les autorités rwandaises n’exigent d’ailleurs pas, un « geste fort » qui permette d’exorciser les fantômes du passé, comme une visite de Bernard Kouchner à Kigali, serait le bienvenu. Mais ce type d’initiative n’est possible qu’à une condition, loin d’être remplie : que l’État français accepte de reconnaître les erreurs parfois tragiques commises en son nom au Rwanda entre 1991 et 1994 – et une reconnaissance qui, au-delà, implique d’examiner le rôle qui fut le sien, en Afrique, après la période coloniale. Or cette dernière thématique est totalement absente du discours sarkozien sur le continent.
Côté rwandais, le grain de sable porte un nom : Paul Kagamé. Ce président, qui a pris l’initiative de la rupture, n’est certes pas le premier chef d’État africain à avoir des problèmes avec la France. Mais il vit cette crise avec détachement et détermination, sans cette passion ambiguë faite d’amour et de haine qu’ont connue ses pairs francophones en froid avec Paris et qui toujours laissait la porte ouverte au compromis. Son univers culturel et linguistique, ses références n’ont rien à voir avec la France, laquelle a longtemps été pour lui l’ennemi. Il estime que le Rwanda n’a pas plus besoin de ce pays que l’inverse et que toute reprise des relations diplomatiques se fera à ses conditions. L’intimité, le tutoiement et les tapes dans le dos ne sont pas sa tasse de thé et il lui faudra toujours un interprète pour communiquer avec Nicolas Sarkozy. Autant dire que, normalisation diplomatique ou pas, les relations entre la France et le Rwanda ne seront plus jamais comme avant. Avant le génocide.

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