Benazir Bhutto
Ancienne Première ministre pakistanaise
On la croyait finie. La revoilà au cur de l’actualité. En exil depuis huit ans avec son mari et ses trois enfants, entre Dubaï et Londres, Benazir Bhutto, 54 ans, ex-Première ministre pakistanaise, déchue à deux reprises, la première fois en 1990 sous l’accusation de corruption, la seconde en 1996 pour incompétence, sur décision du président Leghari, a fait un come-back spectaculaire dans son pays. Sur fond d’élections, d’attentats et d’état d’urgence.
Le général-président Pervez Musharraf, arrivé au pouvoir en 1999 à la faveur d’un coup d’État militaire, est confronté à un mouvement de protestation de plus en plus vigoureux. Au mécontentement populaire s’ajoute la multiplication des attentats islamistes. Au grand dam de l’administration Bush, qui avait fait de Musharraf son allié privilégié dans sa guerre contre le terrorisme. Pour assurer sa survie, le chef de l’État avait engagé des pourparlers avec l’opposition démocratique, notamment Benazir Bhutto, à qui il a promis l’abandon de toutes les poursuites pour corruption et le poste de Premier ministre si son parti remportait les législatives prévues en janvier 2008. Et si elle acceptait de soutenir sa candidature à sa propre succession. C’est cet accord de circonstance, auquel continuent de s’en tenir les Américains, qui a permis à Benazir de revenir triomphalement au bercail le 18 octobre.
Accueillie par 300 000 personnes à l’aéroport de Karachi, l’opposante a pu vérifier la loyauté de ses partisans et sa capacité, intacte, à galvaniser les foules. Le Parti du peuple pakistanais, fondé par son père, Zulfikar Ali Bhutto, avait du reste bien fait les choses, battant le rappel des troupes pour accueillir comme il se doit sa présidente à vie. Malheureusement, la fête fut de courte durée : le soir même, le cortège de Benazir était la cible d’un attentat-suicide qui fit plus d’une centaine de morts et de très nombreux blessés. Plus grave pour l’avenir, deux semaines plus tard, Musharraf, dont la victoire à la présidentielle était contestée par l’opposition, impose l’état d’urgence et muselle la presse et l’opposition. La réaction de ses alliés occidentaux ne se fait pas attendre : le 22 novembre, le Commonwealth suspend le Pakistan.
Ce scénario n’était bien sûr pas inscrit dans l’accord conclu avec Musharraf. Et Benazir ne pouvait ignorer que son alliance avec le général-président pouvait être perçue sur le terrain comme une trahison. Jusqu’au sein de son propre parti. Mais cette alliance lui offrait surtout une occasion inespérée de renouer avec le pouvoir, après en avoir été écartée pendant plus de dix ans.
L’opposante pakistanaise est l’héritière de l’une des familles les plus puissantes du pays. Propriétaires terriens, les Bhutto font la pluie et le beau temps dans leur fief de la province du Sind. Malgré ses origines féodales, son père, qui fut Premier ministre de 1972 à 1977, s’était illustré par son combat en faveur des plus pauvres et de la démocratie. Fille adulée d’un père disparu dans des circonstances tragiques – il a été pendu en 1979 -, Benazir reprend le flambeau à la tête du parti familial, qu’elle portera au pouvoir à deux reprises. Formée dans les meilleures écoles occidentales, première femme Premier ministre élue dans un pays musulman, elle a su séduire l’opinion internationale par sa modernité et son programme social et féministe. Mais son inexpérience fit d’elle une marionnette entre les mains d’un establishment machiste et militaire qui n’hésitera pas à s’en débarrasser lorsqu’elle cessera de servir ses intérêts. L’avidité de son entourage, notamment de son mari, Asif Zardari, fit le reste. Accusée de corruption, elle dut quitter le Pakistan en 1999 pour échapper à la prison.
Son retour devait être une revanche sur le destin. Mais la nouvelle donne l’a conduite à rompre son contrat avec le général Musharraf. Et pourrait l’inciter, en dépit des pressions américaines, à joindre sa voix à celle des principaux partis de l’opposition, regroupés au sein du Mouvement démocratique, qui réclame la levée immédiate de l’état d’urgence et appelle au boycott des législatives du 8 janvier. « J’ai l’impression de n’avoir rien sur quoi laisser mon empreinte », regrette Benazir Bhutto dans son autobiographie. Pourtant, soixante ans après l’indépendance, les conditions sont peut-être réunies pour que les démocrates pakistanais puissent enfin laisser leur empreinte sur le pays en contribuant, tous ensemble, à sa refondation.
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