Pierre Fakhoury

Architecte ivoirien

Publié le 25 juin 2006 Lecture : 3 minutes.

En participant à la conférence de rédaction de Jeune Afrique, Pierre Fakhoury s’attendait à des critiques musclées des journalistes. Au début du mois de juin, dans « Le Plus » consacré à l’aménagement de Yamoussoukro (voir J.A. n° 2369), l’auteur du plan d’urbanisme de la ville ivoirienne érigée au rang de capitale en 1983 affirmait : « Oui, j’ai conçu un projet pharaonique. » On peut en effet se demander pourquoi un pays, qui peine à sortir de la guerre civile, lance aujourd’hui un programme de travaux aussi colossaux : une zone administrative et politique couvrant une vingtaine de km2, une immense avenue, baptisée Voie triomphale, longue de 6 km pour 120 m de large, un palais présidentiel et des bâtiments pour les élus du peuple au futurisme débridé.

Pierre Fakhoury a beau jeu de répondre qu’il n’y a jamais de bon moment pour les grandes opérations urbanistiques. La France était-elle en paix quand Louis XIV a construit Versailles ? Un projet démesuré ? Pas tant que cela si l’on considère que la Côte d’Ivoire comptera 50 millions d’habitants dans cinquante ans.
S’il est une qualité que personne ne peut contester à Pierre Fakhoury, c’est la persévérance. Yamoussoukro, cet architecte de 62 ans né à Dabou, dans le sud de la Côte d’Ivoire, y a toujours cru.
Tout commence au milieu des années 1980 lorsque le président Houphouët-Boigny, séduit par son projet de style néoclassique, lui confie la réalisation de « sa » basilique. Ensemble, dès la fin de 1988, un an avant l’achèvement de l’édifice religieux, ils conçoivent le schéma de la nouvelle capitale. La crise économique puis la mort d’Houphouët, à la fin de 1993, bloqueront l’avancement du dossier. Mais Fakhoury ne cessera jamais d’y croire, et c’est avec le successeur du « Vieux », Henri Konan Bédié, que l’aventure démarre. Le plan d’urbanisme est mis au point et, à la fin de 1998, les premiers chantiers sont ouverts. Dès lors, la réalisation du projet apparaît inexorable, et ni le général Robert Gueï, qui prend le pouvoir en 1999, ni Laurent Gbagbo, élu à la tête de l’État en octobre 2000, ne le remettront en cause.
Justement, et la question n’a pas manqué d’être posée à l’architecte par des journalistes de J.A., que penser de sa « récupération politique » par le président actuel ? Oui, Gbagbo va en tirer bénéfice, admet Pierre Fakhoury. Mais n’a-t-il pas eu l’intelligence de le reprendre à son compte et de lui donner le coup de pouce décisif après l’avoir vivement combattu, estimant qu’il aurait été stupide que tant d’argent ait été investi en vain ?

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Quoi qu’il en soit, et preuve que l’affaire est désormais bien engagée, l’ensemble du schéma d’aménagement élaboré par l’architecte et ses équipes, et dont J.A. a donné à ses lecteurs un aperçu en exclusivité, sera présenté début juillet au président, qui le présentera lui-même ensuite aux responsables politiques locaux. Maquettes, plans en relief accompagnés de vidéos et de panneaux lumineux seront exposés dans une salle de la villa « Giscard » de l’ancien palais d’Houphouët. Quant aux Abidjanais, ils pourront découvrir dès septembre une réplique de l’exposition à l’hôtel Ivoire.
Si la nouvelle capitale de la Côte d’Ivoire lui tient particulièrement à cur, Pierre Fakhoury ne se désintéresse pas pour autant de l’ancienne. On n’y compte plus ses réalisations, la plus célèbre étant la tour Postel, le plus haut building de la mégapole. Et la plus importante, sur le plan symbolique tout au moins, est à venir : le Mémorial Houphouët-Boigny, dont la construction sur le Plateau, le quartier des affaires, a commencé. L’édifice sera livré le 18 octobre 2008, date anniversaire de la naissance du premier président de la Côte d’Ivoire.
On peut déjà avancer que ce monument, qui se présentera comme un véritable musée, ici aussi dans un style très avant-gardiste, jouera un peu le même rôle que Yamoussoukro. En réunissant toutes les composantes de la nation autour d’une figure emblématique dont toute la classe politique se réclame aujourd’hui peu ou prou, il contribuera à ressouder un pays qui, d’ici là, on peut le souhaiter, aura retrouvé son unité.

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