Les fleurs de la différence

Publié le 25 juin 2006 Lecture : 2 minutes.

C’est une étrange maison au bord de la Seine, sur un des quais les plus célèbres de la capitale gauloise. Le quai Branly (fameux physicien français, né le 23 octobre 1844, mort quasi centenaire le 25 mars 1940, et à l’origine des premiers travaux sur la radio). Et c’est donc là qu’est établi ce musée, étonnant, particulier, qui rassemble des uvres d’Asie, d’Afrique, d’Océanie et des Amériques. Des uvres venues de « cultures autres ». Des objets magnifiques, souvent étranges, inquiétants, produits de cultures où la mort, la magie, le sacré, l’invisible gouvernaient la vie des hommes. Près de 3 500 objets uniques disposés tout le long d’un seul plateau, au cur d’un immeuble hybride tout à la fois moderne et inspiré des formes les plus anciennes. C’est, dit-on, Jacques Kerchache, un grand marchand d’art, à la réputation néanmoins trouble, qui un jour de vacances, le long d’une belle plage de l’océan Indien, persuada Jacques Chirac, alors maire de Paris, de s’investir dans le projet d’un espace pour les arts primitifs à Paris.

Les arts comment ?
Primitifs, avait dit Kerchache, évoquant l’idée que tous les arts « naissent libres et égaux »… Mais le mot pouvait choquer. Primitif égale bon sauvage, non ? Pas vraiment, puisque l’étymologie renvoie à la notion « d’originel ». D’autres proposèrent la très cérébrale notion « d’arts premiers ». Premiers, donc, mais de quelle liste, chronologique, qualitative, géographique ? Finalement, les créateurs du musée lui donnèrent le nom d’Édouard Branly, dont l’immense avantage reste que celui-ci n’a rien à voir avec les arts premiers, originels ou primitifs d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques
Passons sur toutes les batailles bureaucratiques qui jalonnèrent la vie du projet pendant dix ans. Et disons, pour simplifier, que ce musée aura coûté près de 230 millions d’euros et qu’il restera comme l’un des rares témoignages architecturaux et culturels de la présidence de Jacques Chirac.
Disons aussi que c’est un musée, qui est à l’honneur de la France et de sa tradition universaliste, un musée à l’honneur d’un peuple, qui a donné naissance à des voyageurs uniques comme Théodore Monod ou Claude Lévi-Strauss. Un musée à l’honneur d’une France, qui refuse, plus que d’autres, les ravages de l’euro-ethnocentrisme, de « cette prétention déraisonnable de l’Occident à porter en lui seul le destin de l’humanité » (dixit Jacques Chirac, décidément plus inspiré par les affaires du monde que par celles de l’Hexagone).

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Bref, je me suis promené, le jour de l’ouverture, au gré des coins et des recoins de ce musée. J’ai comme voyagé dans des mondes presque inconnus, où, dans l’ombre, s’élevaient les immenses, magnifiques et immortelles statues dogons. Et j’ai repensé à la phrase de Claude Lévi-Strauss (96 ans), justement, évoquant les « fleurs fragiles de la différence ».
La différence, les différences qui font l’essence de notre humanité.
Faudrait que j’en parle à George W…

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