Plaidoyer pour Khalifa, un homme traqué

Publié le 25 mars 2007 Lecture : 2 minutes.

Pourquoi donc l’idée que Rafik Khalifa ait pu être victime d’un complot tramé en Algérie et en Europe effleure-t-elle si peu les esprits ? On pourrait répondre que c’est parce qu’il n’y a pas de complot Pas si vite ! Au moment le golden boy était contraint à l’atterrissage, il avait commis plusieurs crimes de lèse-majesté. À commencer par le plus grave : ce jeune homme était entré avec fracas (donc par effraction) dans une sphère médiatique parisienne réservée. N’avait-il pas, l’impudent, absorbé une grosse part de lumière en devenant le symbole visible de l’Olympique de Marseille, ce club de foot qui joue un rôle sociopolitique exceptionnel, au point que tous ceux qui l’approchent rencontrent un jour ou l’autre malheur en chemin ? N’avait-il pas également acquis toutes les adresses des gens qui comptent, grâce à une stratégie d’amitié tarifée avec les grandes stars françaises et européennes ? Il voulait, le Khalifa, s’immiscer dans l’audiovisuel, un sanctuaire qui est aussi une arme stratégique dans le contrôle des opinions.
Nul ne sait où se serait arrêté celui qui tentait de secouer sa zébrure pour devenir un cheval blanc. Si encore il était un beur d’une génération quelconque, il aurait fait la fierté des intégrationnistes. Mais là, venir directement du bled pour sauter à pieds joints dans les bulles de champagne, ce n’était pas tolérable. Une telle témérité est toujours châtiée. Et si, au lieu d’être calife à la place d’un grand capitaliste bobo mondain, il s’était tenu modestement au second rang, juste derrière un associé au pedigree plus correct, il aurait atténué la violence de la lapidation qui le cible aujourd’hui. Il a voulu jouer perso ou presque. La chute d’un Bernard Tapie s’expliquerait, en partie, par son irruption dans la politique. Potentiellement, Khalifa représentait une menace équivalente sur les deux rives de la Méditerranée. D’autant que, se croyant anobli par ses fréquentations françaises, voire européennes, il a sans doute regardé son pays d’origine avec un dédain grandissant. Cela non plus ne pouvait être pardonné par ceux qui, par intérêt, l’ont aidé à émerger et à qui il échappait désormais. Le capitalisme d’état promeut et destitue qui il veut.
Dire tout cela, est-ce conclure à l’innocence de Khalifa ? Non. C’est dire que la curée dont il est l’objet ne permet pas une évaluation des charges et responsabilités qui pèsent sur lui. Un jour, peut être, fera-t-on la part du ressentiment et des jalousies qui l’ont transformé en homme traqué. Peut-être ne verra-t-on jamais le dessous des cartes et Khalifa sera forcément coupable.

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