Les victimes oubliées du conflit

Amnesty dénonce les exactions commises sur les Ivoiriennes.

Publié le 25 mars 2007 Lecture : 2 minutes.

Bouaké, septembre 2002. Thérèse, 22 ans, et d’autres jeunes filles sont enlevées par les rebelles. Certaines seront tuées. Elle raconte : « Les rebelles nous ont violées dès le premier jour. Puis, ils se sont partagé les filles et ensuite chacun violait celle qui lui avait été attribuée. »
Dans un rapport publié mi-mars par Amnesty International sur les « victimes oubliées » du conflit ivoirien, les témoignages abondent. Depuis le coup d’État de décembre 1999 et surtout l’éclatement de la rébellion armée de septembre 2002, « des centaines, si ce n’est des milliers, de femmes et de jeunes filles ont été – et pour certaines continuent à être – victimes de viols et d’agressions sexuelles commises de manière généralisée et, parfois, systématique, par diverses forces combattantes », explique Véronique Aubert, directrice adjointe du programme africain de l’ONG.
L’enquête menée essentiellement à l’Ouest, dans la région de Guiglo et à Abidjan, entre 2005 et 2006, indique que les exactions perpétrées par les deux camps ont été d’une extrême violence et d’une rare cruauté. Viols en réunion, devant des membres de la famille, au milieu de cadavres, enlèvement, torture, incestes forcés, mutilations, esclavage sexuel…
Les victimes sont parfois choisies selon leur origine ethnique ou leur appartenance politique. En décembre 2000, lors d’un meeting du Rassemblement des républicains (RDR), parti de l’opposant Alassane Ouattara, organisé au stade Houphouët-Boigny d’Abidjan, des policiers s’en sont pris à des militantes. Toutes d’origine dioula, elles ont été arrêtées puis conduites à l’école de police de la capitale où elles ont subi plusieurs agressions sexuelles et ont été passées à tabac.
Les exactions les plus graves ont été commises dans l’Ouest, fin 2002-début 2003, aussi bien par les milices progouvernementales que par les groupes rebelles qui comptaient, tous deux, des mercenaires libériens dans leurs rangs. Nul ne peut dire si les camps de femmes esclaves ont aujourd’hui totalement disparu : certaines zones demeurent encore inaccessibles aux observateurs internationaux et aux travailleurs humanitaires. Amnesty a insisté pour que la Cour pénale internationale (CPI) puisse enquêter. Cette dernière, qui a confirmé en 2005 avoir été saisie par la Côte d’Ivoire deux ans auparavant, a en fait dénoncé, en novembre dernier, par la voix de son procureur Luis Moreno Ocampo, les réticences du pouvoir d’Abidjan.
Jusqu’à présent, aucun violeur ou meurtrier n’a été condamné. Etelle Higonnet, de l’ONG Human Rights Watch, auteur d’un rapport sur la même question à paraître fin mars-début avril, déplore que cette immunité la plus totale favorise les comportements sexuels prédateurs et barbares. En outre, aucune structure médicale n’est proposée aux victimes alors que les séquelles physiques et psychologiques sont nombreuses. Par ailleurs, Amnesty estime que ces crimes ont aggravé la propagation du sida. Selon Médecins sans frontières (MSF), le taux d’infection atteindrait les 20 % dans le pays.
Le tabou du viol et le rejet des familles n’arrangent rien à la détresse de ces femmes. Certaines d’entre elles, sans ressources, avec des enfants à nourrir, sont condamnées à se prostituer pour survivre. Doublement victimes

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