Mensonge au sommet

Publié le 25 février 2007 Lecture : 3 minutes.

Il arrive que, pour une raison ou pour une autre, on soit amené à mentir sur son âge : ce n’est pas forcément une affaire d’État. Mais quand on dirige une organisation onusienne chargée de protéger les droits d’auteur et de lutter contre les faussaires, c’est déjà beaucoup plus ennuyeux. L’affaire a été révélée le 20 février par le quotidien suisse Le Temps : le directeur général de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) aurait triché sur son âge pour se faire embaucher.
Le pot aux roses a été découvert quand Kamil Idriss, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a tenté, vingt-quatre ans après son embauche, de rétablir dans les fichiers de l’organisation sa vraie date de naissance, afin d’augmenter ses indemnités de retraite. Il pensait que sa petite rectification passerait comme une lettre à la poste
C’est manqué. Alertés par des bruits de couloir, les inspecteurs des Nations unies, qui, depuis le scandale de l’opération onusienne « Pétrole contre nourriture » en Irak, ne laissent rien passer, n’ont pas tardé à s’intéresser à son cas. Une enquête a été diligentée. Ses conclusions sont accablantes pour Idriss. Pour éviter qu’il ne soit étouffé, le rapport « confidentiel » des inspecteurs a été discrètement communiqué à la presse genevoise
Tout cela ne serait qu’une assez sordide affaire de gros sous. Tout commence en 1982. Idriss, qui est un ancien diplomate soudanais, souhaite être recruté par l’OMPI, mais s’aperçoit qu’il est trop jeune pour le poste qu’il convoite. Qu’à cela ne tienne : il déclare froidement être né le 26 août 1945, au lieu de 1954, convaincu qu’il pourra par la suite invoquer une erreur d’écriture Quelques années plus tard, il songe à rétablir la vérité, mais comprend que ce sursaut d’honnêteté lui interdirait de briguer le poste de directeur général (qu’il obtiendra en 1997). Il laisse donc tomber.
L’an dernier, Idriss, qui gagne plus de 30 000 dollars par mois, voit se rapprocher le terme de son second mandat, en 2009. Mais aussi l’heure de la retraite, fixée en principe à 60 ans dans le système des Nations unies. Comme il n’a, en réalité, que 52 ans, la perspective ne l’enchante guère. Et puis, il fait ses comptes : si l’OMPI décide de ne pas le garder au-delà de 2009, il pourrait espérer partir en préretraite avec une indemnité de 600 000 dollars. Il décide donc d’avouer son « erreur » au service du personnel, en précisant que s’il a conservé la même date de naissance erronée dans les documents officiels signés après 1982, c’est uniquement dans un « souci de cohérence ».
Répondant à « une campagne de harcèlement raciste », Kamil Idriss affirme avoir fait en sorte de ne retirer aucun avantage pécunier de cette erreur. Les inspecteurs onusiens ont évidemment eu le plus grand mal à le croire, un principe de droit commun stipulant que « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». L’OMPI a désormais le choix entre deux solutions. Soit elle applique le droit et annule le contrat d’embauche d’Idriss, qui part alors sans indemnités. Soit elle ferme les yeux en arguant de la « bonne foi » de son directeur général.
L’OMPI, qui compte un millier de salariés, vit, pour l’essentiel, des taxes que lui versent les dépositaires de brevets : 200 millions de dollars par an, soit 90 % de son budget. Il n’est pas exclu que ces derniers se montrent moins accommodants que les représentants des 184 États membres de l’ONU.

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