Le chimpanzé, médecin malgré lui

Publié le 25 février 2007 Lecture : 2 minutes.

Depuis près de trente ans, les primatologues font l’hypothèse que notre plus proche cousin, le chimpanzé, et les grands singes en général savent parfaitement se soigner en prélevant dans leur environnement les plantes médicinales dont ils ont besoin. Pourquoi ne pas faire profiter l’homme de ce savoir animal ? []
Une jeune vétérinaire française, Sabrina Krief, dirige actuellement le programme de recherche sur les chimpanzés de Kibale, en Ouganda. [] « Si suivre les guérisseurs est enrichissant, assure-t-elle, il y a des limites. Les tradipraticiens ne veulent pas toujours révéler leurs secrets et il est parfois difficile de déterminer la part de l’activité chimique du produit et de l’action psychologique des guérisseurs sur les malades. De plus, leur traitement est souvent composé de plusieurs ingrédients, préparés de multiples façons, et il est difficile d’isoler les principes actifs. » Nulle décoction complexe ou parole magique chez les grands singes. Pour les scientifiques, c’est plus simple.

« On sait encore peu de chose sur les maladies des grands singes, mais il est certain qu’ils ont de bonnes médecines à portée de main. Ils se maintiennent en meilleure santé que nous ! assure la chercheuse. Ils vivent vieux [la plus âgée de Kibale est une femelle de 65 ans !] alors qu’ils rencontrent de multiples parasites, virus, microbes et sont souvent mutilés par les pièges à petit gibier des braconniers. Ils trouvent des plantes qui peuvent les guérir ou maintenir une immunité suffisante pour résister à la maladie et à la gangrène. » Les chimpanzés auraient donc une « culture » médicale partagée par tous les individus d’une troupe ? « On ne sait pas encore si, chez les primates, cet usage traditionnel s’acquiert, mais il est sûr qu’il y a transfert d’individu à individu par imitation. »
Pour percer les secrets de cette bonne santé, Sabrina Krief, son mari photographe Jean-Michel Krief et ses collègues ougandais suivent, jour après jour, les individus de la troupe de Kanyawara, habituée à la présence de l’homme depuis vingt ans. Journée type : repérer les individus depuis leur nid, chaque matin, et les suivre à travers la forêt primaire (non transformée par l’homme), les plantations de pins et d’eucalyptus et les marécages qui composent le paysage. Identifier les malades, d’après un examen clinique à distance, noter précisément leur régime alimentaire (espèce végétale, dose, heure, fréquence…), puis prélever leurs urines et leurs fèces, sans jamais entrer en contact autre que visuel avec eux.

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Le résultat peut dépasser toutes les attentes des chercheurs. Lors d’une expédition précédente, en 2001, « nous avons observé deux chimpanzés qui se battaient. Yogi, un mâle adulte, a mordu au pied Light Brown, un autre mâle, lui entaillant profondément le cinquième orteil. Quatre jours plus tard, Light Brown marchait avec difficulté. La plaie s’étendait sur quatre centimètres de large et un centimètre de profondeur, l’infection guettait. Pourtant, neuf jours après l’agression, tout est rentré dans l’ordre. La plaie, saine, a cicatrisé ! Durant les jours suivant la rixe, Light Brown a consommé entre autres des feuilles de Ficus exasperata – qu’il ne mange pas en temps normal. » Par la suite, l’analyse chimique de cette plante a mis en évidence qu’elle avait une activité antibiotique, utilisée par certains guérisseurs contre des dermatoses !

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