« Nul n’est au-dessus de la loi »

Nommé Premier ministre le 14 août dernier, Ricardo Mangué Obama Nfube dresse un bilan de ses premiers mois à la tête du gouvernement.

Publié le 24 décembre 2006 Lecture : 6 minutes.

A 46 ans, Ricardo Mangué Obama Nfube, le Premier ministre nommé en août, apparaît comme l’homme de confiance de Teodoro Obiang Nguema dans la lutte contre la corruption. Son parcours plaide pour lui : magistrat, il a été président de la Cour d’appel, avant d’entrer au gouvernement au début des années 1990. Il a notamment été en charge de l’Éducation. Dans la précédente équipe, il cumulait les portefeuilles de la Fonction publique et de la Réforme administrative, des Affaires sociales et des Droits de l’homme, avec rang de vice-Premier ministre.
Pour beaucoup d’observateurs, ce technocrate se place au-dessus de la mêlée par sa maîtrise des dossiers et son esprit d’ouverture. Il est surtout unanimement salué comme un homme intègre. Une qualité bien utile dans la croisade engagée contre la corruption afin d’assainir les murs politiques et de redorer l’image du pays.

Jeune Afrique : Vous êtes à la tête du gouvernement depuis plus de quatre mois maintenant. Comment appréhendez-vous votre tâche ?
Ricardo Mangué Obama Nfube : Diriger un gouvernement est une lourde charge, un travail difficile. Mais avec l’appui de mes collaborateurs, je pense qu’on peut avancer.

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Dès votre nomination, vous avez placé la lutte contre la corruption au centre de votre action. Avez-vous déjà enregistré des résultats ?
Je me suis engagé vis-à-vis du président Obiang Nguema à atteindre des objectifs clairs. Je souhaitais, tout d’abord, établir de bonnes relations avec les autres institutions de l’État. Je crois que nous sommes parvenus à instaurer un climat de confiance entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Ensuite, j’ai pris l’engagement de combattre la corruption. Nous avons commencé à travailler dans ce sens, et de hauts fonctionnaires ont été arrêtés. La justice dira s’ils sont innocents ou coupables. Il appartient désormais aux tribunaux de faire leur travail. La lutte contre la corruption doit nous permettre d’améliorer le recouvrement fiscal. Tous les impôts, toutes les taxes doivent être versés au Trésor public. De ces recettes dépend le bien-être de la population. Depuis le début de la campagne, nous notons une amélioration des recettes courantes. Nous avions décidé de les augmenter de 20 % par rapport aux prévisions budgétaires, cet objectif est maintenant atteint.

Tout en reconnaissant votre intégrité, certains de vos compatriotes estiment que votre action est limitée parce que vous ne pourrez pas vous attaquer aux intouchables du pays
Je ne peux accepter que quiconque soit au-dessus de la loi. C’est pourquoi toute personne prise en flagrant délit de corruption sera punie. Il n’y aura ni discrimination, ni privilège. Je n’ai peur de personne. Je dois atteindre mon but, conformément aux instructions du chef de l’État. Si je commets un acte répréhensible, je serai moi-même sanctionné.

Il est question que les membres du gouvernement déclarent leurs biens avant d’entrer en fonction
Plus de 90 % des ministres l’ont déjà fait. J’ai personnellement relancé les membres du gouvernement qui n’avaient pas encore présenté leur déclaration. Je vais ensuite transmettre toutes ces informations au chef de l’État et au Parlement.

Qu’en est-il de la commission anticorruption ?
La Commission nationale d’éthique publique est saisie de toutes les affaires de corruption. Mais nous avons pensé qu’il fallait créer parallèlement une instance impartiale avec la participation de la société civile.

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Vous évoquez la société civile. Pourtant, à en croire certains, elle n’existe pas encore en Guinée équatoriale
Pour moi, la société civile se compose des Églises, des ONG – il en existe plus d’une cinquantaine -, de l’association des journalistes et même des partis politiques On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de société civile en Guinée équatoriale. Ce qu’il faut, c’est que son rôle se renforce.

Vous avez engagé une politique de suivi des grands travaux. La situation s’est-elle améliorée ?
Les infrastructures de base, qu’elles soient sanitaires, scolaires ou encore économiques, sont le point de départ de tout développement durable. Le gouvernement a exigé de toutes les entreprises de construction qu’elles respectent les délais de livraison. Des contrats ont été signés avec l’État, et nous ne savons pas toujours quand les travaux vont s’achever. Tout le monde doit respecter ses engagements. La promotion du développement humain en dépend. Sans système sanitaire et éducatif de qualité, notre pays ne peut pas aller de l’avant. Nous avons mis toute notre énergie dans ces secteurs en augmentant leur budget. À titre d’exemple, sachez qu’environ 500 techniciens travaillant dans le domaine de la santé et plus de 200 enseignants ont été recrutés depuis notre arrivée à la tête du gouvernement. Nous souhaitons que toutes les écoles du pays disposent de suffisamment de professeurs pour pouvoir dispenser un enseignement de qualité. L’agriculture constitue une autre de nos priorités. Quand on parle de développement durable, on ne peut pas le faire sur la seule base du pétrole. Il faut investir les revenus pétroliers dans des secteurs comme l’agriculture.

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Que comptez-vous faire dans ce domaine ?
Nous avons lancé un programme qui permettra, d’ici six à douze mois, de réduire nos importations de produits agricoles. Plusieurs investisseurs sont déjà à pied d’uvre, et nous comptons bien en tirer prochainement des résultats positifs.
Quel sens donnez-vous à la loi contre la torture qui vient d’être promulguée ?
La torture n’était pas une pratique institutionnalisée, mais le fait d’individus isolés. Elle est aujourd’hui interdite dans ce pays. Elle constitue un délit. Tout fonctionnaire qui y aura recours sera sanctionné. C’est pourquoi nous sommes en train de moderniser les services chargés des enquêtes criminelles au niveau de l’armée et de la police pour que cette nouvelle loi soit scrupuleusement respectée.

Les ressortissants étrangers originaires des pays voisins se plaignent d’être maltraités
Je pense que la situation n’est pas tout à fait celle que vous décrivez. L’intégration sous-régionale, dont nous faisons la promotion dans le cadre de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), a facilité la circulation des capitaux, des biens et des services. Concernant celle des personnes, tous les pays de la Cemac ont fixé les conditions d’entrée sur leur territoire. Ce qui n’empêche pas l’immigration illégale. Notre pays est aujourd’hui confronté à ce problème. Le pétrole incite tout le monde à venir ici. Tous les étrangers présents sur notre territoire légalement ne rencontrent aucun problème, parce que nous respectons nos engagements. Nous ne pouvons pas délivrer des visas et des titres de séjour pour, ensuite, dire aux gens qu’ils ne sont pas les bienvenus chez nous. Cela n’a pas de sens.

Il n’y a pas de xénophobie dans votre pays ?
Il ne peut pas y avoir de sentiments xénophobes entre frères. Je connais aussi beaucoup d’étrangers qui sont ici, sans papiers, mais qui travaillent dans des entreprises équato-guinéennes. Ils ne sont pas maltraités, personne ne les agresse. On ne peut donc pas parler de xénophobie.

Pour un pays pétrolier, les salaires moyens restent très bas
Quand j’étais ministre du Travail, j’ai lancé l’idée d’un salaire minimum interprofessionnel fixé à 90 000 F CFA. C’est le plus élevé de tous les pays de la Cemac. Le problème ne se situe pas au niveau du salaire nominal mais au niveau du salaire réel. Le Cameroun a des salaires moins élevés mais le coût de la vie y est relativement bas. Mais en Guinée équatoriale, nous importons plus que nous ne produisons.

Les contrats signés avec les sociétés pétrolières seront-ils renégociés ?
Quand le pays n’avait ni expérience, ni expertise en matière pétrolière, il a attiré les investisseurs avec des contrats très flexibles et très attractifs. Mais nous devons respecter notre signature. Aujourd’hui, nous sommes en mesure d’introduire des clauses tenant compte de l’évolution du marché. Nous sommes toujours en pourparlers avec les entreprises qui travaillent ici. Elles savent que la Guinée équatoriale doit profiter des revenus de son pétrole.

Les rapports avec Madrid se sont-ils détendus ?
Je ne pense pas qu’il y ait des problèmes entre la Guinée équatoriale et l’Espagne. Ce pays nous a colonisés, mais nous avons obtenu notre indépendance. Lorsque nous considérons qu’il y a ingérence dans nos affaires, nous affirmons notre désaccord. Il en est de même pour tous les autres pays. Mais nous restons ouverts à tous, y compris aux Espagnols.

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