Les deux Obiang
La voix est douce, le sourire avenant, les mains aussi fines que la monture de ses lunettes. Lorsqu’on l’interroge, aucune question, même de celles qui font bondir son entourage, ne paraît le gêner. Quand il s’exprime en français, avec l’accent castillan de Victoria Abril, les mots sont choisis et le langage soft. Teodoro Obiang Nguema, 64 ans, président de la Guinée équatoriale et líder máximo de ses quelque sept cent mille citoyens, est un homme intelligent et policé. « Avec lui, au moins, on peut parler », soupirent les hôtes étrangers de Malabo, que rebute parfois la rudesse relationnelle des responsables locaux. Vrai. Mais il existe un autre Obiang, dont la détermination apparaît dans l’éclair du regard. Un Obiang à usage interne, en quelque sorte, dont les discours en fang, aussi décapants que du vinaigre de Xérès, font trembler de peur ses ministres, régulièrement accusés d’incompétence et de prévarication, quand ils ne sont pas menacés d’un séjour à l’ombre de la prison de Playa Negra.
Lequel est le bon ? Les deux, mon général. Le premier Obiang est le président élu d’un émirat tropical, fort de ses dix-neuf millions de tonnes de brut annuels, envié et courtisé, propulsé en dix ans au cur de la mondialisation et qui se développe à la vitesse du son. Le second est un mélange de militaire et de chef traditionnel, parvenu au pouvoir il y a un quart de siècle sur la dépouille d’un dictateur devenu fou, et qui a dû déjouer complots, fétiches et mercenaires pour demeurer en place. Tel Janus, Teodoro Obiang Nguema alterne les deux personnages avec la facilité d’un professionnel de la politique et l’assurance que lui offre son statut de patron du pays le plus riche d’Afrique centrale. Mais Obiang le président et Obiang le chef se rejoignent toujours quelque part. Du côté de Mongomo, bien sûr, son village où plongent ses racines, ses mystères et ses sortilèges. Et dans sa propre conception d’un nationalisme économique volontariste, assorti de l’objectif affirmé de jouer sur la scène africaine un rôle à la mesure de son poids en barils. Certains de ses voisins, qu’inquiètent les ambitions de cette ancienne colonie espagnole, brocardent volontiers les prurits xénophobes et les démangeaisons de nouveaux riches qui saisissent parfois les compatriotes de M. Obiang. Sans doute n’ont-ils pas tout à fait tort, même s’ils feraient bien, eux aussi, de balayer devant leur porte. Hier, avant le pétrole, les Équatoguinéens étaient, en effet, les oubliés et les méprisés de la région. Et les deux Obiang n’ont pas la mémoire courte.
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