Comment tout a explosé

Publié le 24 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

A Gaza, entre le 15 et le 20 décembre, les batailles de rue entre les factions du Fatah et les milices islamistes du Hamas ont fait une dizaine de morts. Depuis la victoire électorale de ce dernier, en janvier 2006, la tension est allée crescendo. Onze mois et quelques escarmouches plus tard, les Territoires palestiniens sont au bord de la guerre civile. Comment en est-on arrivé là ?

Jeudi 14 décembre, poste frontière de Rafah. Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre palestinien, rentre d’une tournée régionale en Égypte, en Syrie et en Iran – son premier voyage à l’étranger depuis son arrivée aux affaires. Soumis par Israël et les États-Unis à un blocus financier, il a le plus urgent besoin d’argent. Heureusement, son périple n’a pas été vain : il a dans sa mallette plus de 35 millions de dollars. Informé, l’État hébreu interdit à Haniyeh de rentrer chez lui avec cette somme. Les gardes-frontières palestiniens, qui dépendent de l’Autorité, donc du président Mahmoud Abbas, sont chargés d’appliquer la décision.
Le Premier ministre parlemente, mais rien n’y fait. Un membre de sa délégation téléphone alors à Gaza et informe de la situation les responsables du Hamas. Ces derniers dépêchent à Rafah des miliciens pour lui prêter main-forte. Las, Haniyeh n’est pas informé de l’arrivée de renforts et confie la précieuse mallette à une personne qu’il charge de déposer les 35 millions de dollars dans une banque égyptienne. En attendant des jours meilleurs.
Trop tard, le coup est déjà parti. À peine arrivés à Rafah, les miliciens du Hamas saccagent le poste frontière. Les gardes répliquent, le convoi du Premier ministre essuie des coups de feu. Un de ses gardes du corps, prénommé Abderrahmane, est tué sur le coup. Puis son fils est touché à son tour. Finalement, un cessez-le-feu est conclu, et Haniyeh peut rejoindre Gaza.

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Vendredi 15 décembre, Gaza. Abderrahmane est enterré dans une cohue indescriptible. Un responsable du Hamas accuse le député Mohamed Dahlan, par ailleurs conseiller de Mahmoud Abbas, d’être le responsable de sa mort : « C’est lui qui a fait exécuter l’ordre d’Israël d’empêcher le retour du Premier ministre. » La réaction du Fatah ne tarde pas. Elle ne vient pas d’un harangueur de foule, mais d’un diplomate, Saeb Eraqat, qui dénonce la « fatwa » lancée contre Dahlan. Patron de la sécurité préventive à Gaza au temps de feu Yasser Arafat, celui-ci est resté très populaire chez les miliciens du Fatah. C’est l’étincelle qui va mettre le feu à ce baril de poudre qu’est Gaza.
Samedi 16 décembre, Ramallah. Mahmoud Abbas réunit la direction palestinienne et annonce son intention de convoquer des élections anticipées. Washington, Tel-Aviv et Londres applaudissent des deux mains, mais le Hamas hurle au coup d’État et jure qu’il ne se laissera pas faire. Des obus de mortier sont tirés contre le palais présidentiel à Gaza. Les miliciens du Fatah ripostent et tentent d’assassiner Mahmoud Zahar, ministre des Affaires étrangères et membre de la direction du Hamas.

Dimanche 17, lundi 18 et mardi 19 décembre. Dans la bande de Gaza comme en Cisjordanie, les violences se généralisent. Les médiations entreprises par d’autres factions palestiniennes font long feu. Patron des services égyptiens, Omar Souleymane se rend à Gaza. Le 20 décembre, il obtient que les armes se taisent enfin. Mais le fond du problème reste entier. Abbas persiste à vouloir organiser des élections anticipées, et Haniyeh campe sur ses positions : le président de l’Autorité n’a pas compétence pour dissoudre le Parlement élu.
Ce même 20 décembre, quelque part dans les montagnes d’Afghanistan, Aymen Zawahiri, le numéro deux d’al-Qaïda, dénonce l’Autorité palestinienne et lance une fatwa contre Mahmoud Abbas. Le général de Gaulle avait raison : l’Orient est décidément très compliqué.

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