Boutef, les islamistes et la corruption

Publié le 24 décembre 2006 Lecture : 2 minutes.

C’est ce qu’on pourrait appeler un faux pas. Le 2 décembre, lors du lancement de son opération « Stop à la corruption », le ministre d’État Bouguerra Soltani n’a apparemment pas mesuré la portée de ses propos. Devant un parterre de journalistes, le successeur de Mahfoud Nahnah à la tête du Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas) – un parti membre de l’Alliance présidentielle – a en effet déclaré avoir en sa possession « des dossiers impliquant des personnalités du régime ».
Une semaine plus tard, devant les membres du gouvernement et les walis (« préfets ») au grand complet, le président Abdelaziz Bouteflika n’a pas eu de mots assez durs pour critiquer la déclaration de Soltani, qu’il s’est toutefois abstenu de nommer. « Quel que soit son niveau de responsabilité, s’est-il emporté, un citoyen a le devoir de communiquer à la justice toute information de nature à aider la lutte contre la corruption, la prévarication et le détournement des deniers publics, au lieu d’en faire un argument électoral et de sombrer dans la politique politicienne. » À la télévision, tout le monde a pu voir le visage décomposé du ministre, suant à grosses gouttes Dans la foulée, Tayeb Belaïz, le garde des Sceaux, a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire concernant les fameux dossiers.
À quelques mois des élections législatives (avril-mai 2007), l’affaire a provoqué un petit séisme au sein du parti islamiste. Le 10 décembre, au lendemain de l’admonestation présidentielle, le MSP a réuni à huis clos son majlis ech-choura (« comité central ») dans un climat, dit-on, quelque peu tendu. Une grande partie de l’assemblée a jugé irresponsables les propos du chef du parti et demandé sa démission du gouvernement. De son côté, Ahmed Dane, le rival malheureux de Soltani dans la course à la succession de Nahnah, a exigé la tenue d’un congrès extraordinaire afin de « régler la question de la direction ». Comme pour ajouter à la confusion, Ali Benhadj, ex-numéro deux du Front islamique du salut (FIS) et véritable pestiféré de la politique algérienne, s’est spécialement rendu au siège du MSP pour apporter à Soltani un soutien dont celui-ci se serait sans doute bien passé.
Sur le fond, il semble que le parti islamiste ne possède en réalité aucun dossier compromettant. Si tel est bien le cas, la sortie intempestive de Soltani constituerait une invraisemblable bévue de nature à le discréditer durablement, lui et son opération anticorruption – sur laquelle le MSP misait pour sa campagne électorale. En attendant, il est peu probable que les poursuites judiciaires aillent à leur terme. Même si les malheurs de Soltani ne plongent pas ses partenaires de l’Alliance présidentielle (FLN et RND) dans le désespoir, ces derniers ne jugeront pas forcément utile de tirer sur l’ambulance. Un sommet censé rassembler, mi-décembre à Alger, les trois chefs de l’Alliance a toutefois été discrètement annulé.

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