Voyage en (vraie) Francophonie

Publié le 24 septembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Nous voilà donc en route pour Bucarest, capitale de la Roumanie, ancienne république communiste, aujourd’hui « presque » démocratique et « presque » européenne. C’est là que se tient, les 28 et 29 septembre, le XIe sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui rassemble une cinquantaine de pays supposés avoir en partage la langue de Voltaire, d’Alain Mabanckou et de Yasmina Khadra. On s’attend à du décorum. C’est la première fois que l’OIF se réunit en Europe de l’Est, sur les marches de l’empire linguistique slave. L’affaire aura lieu dans le fameux palais de la République, monumental délire architectural que l’on doit à Nicolae Ceausescu, ancien dictateur, fusillé, avec son épouse, lors d’un petit matin blafard de révolution. Je me souviens de la confusion des images, de leur violence, de cette sensation ambiguë d’un soulèvement réel confisqué par des apparatchiks masqués.

Nous serons donc à Bucarest pour parler francophonie, pour trouver ce lien subtil unissant par la langue des peuples aussi différents que le sel et le poivre : Vietnamiens, Ivoiriens, Marocains, Québécois, Acadiens et même des résidents purement anglophones de l’ouest du Canada (je me suis toujours demandé s’il y avait des traducteurs dans les sommets francophones). Un voyage pour identifier la connexion phonétique entre des nations extrêmement riches et des nations plus ou moins pauvres, entre des intérêts économiques totalement divergents. Comprendre cette affection pour le français, cet attachement à une langue qui finalement est venue s’installer dans les valises du prêtre évangélisateur et du colon. Expliquer aussi pourquoi la France, nation au cur de la Francophonie, accorde, au fond et de manière inexplicable, bien peu d’intérêt à tout cela : pas de visas pour étudiants, peu de financements pour le développement, pas de véritable vision pour un domaine relégué au rang d’un ministère délégué.
On peut aussi s’intéresser à cette tentative ambitieuse d’inscrire à travers la Francophonie l’exigence de la démocratie et du pluralisme. Ou celle d’un monde multipolaire, ouvert, où les civilisations se parlent et se complètent. D’un monde idéal, en quelque sorte, où G.W. Bush serait remplacé par Noam Chomsky (figure intellectuelle de la néogauche américaine)

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Mais bon. Je ne crois pas que la démocratie soit une question de syntaxe. Je ne crois pas qu’une langue crée une communauté d’intérêts par l’effet du Saint-Esprit. Et je ne suis pas sûr que les grands sommets soient le système le plus productif de l’humanité politique. Mais, malgré tout, l’idée francophone est belle. Elle est belle parce qu’elle nous permet d’abattre murs et cloisons, malgré les États et les uniformes. Elle nous permet de nous parler, de nous lire, de nous écouter, de transmettre des messages. Malgré notre couleur, notre continent, notre religion, notre tropisme La Francophonie est probablement une illusion politique, mais le français reste un superbe (et déclinant) moyen de communication entre les mondes.

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