Génération Césaire

Publié le 24 septembre 2006 Lecture : 2 minutes.

En septembre 1956, Présence Africaine, la maison d’édition fondée par le Sénégalais Alioune Diop, organisait à Paris le 1er Congrès international des écrivains et artistes noirs. Cinquante ans après, quelques rescapés de l’aventure (dont l’Haïtien René Depestre, le Mozambicain Marcelino dos Santos, le Béninois Paulin Joachim et le Martiniquais Édouard Glissant) ont, du 19 au 22 septembre au siège de l’Unesco et à l’université de la Sorbonne, participé à un colloque destiné à rendre hommage à cette illustre génération de pionniers. Et, bien sûr, à réfléchir aux problèmes d’aujourd’hui.
Le poète martiniquais Aimé Césaire, 93 ans, l’un des ténors du congrès de 1956 avec Léopold Sédar Senghor, s’est adressé à partir de sa ville de Fort-de-France aux délégués venus, comme il y a cinquante ans, de tous les horizons du « monde noir ». « Il faut continuer à lutter avec doigté et intelligence, afin de ne pas tomber dans un racisme noir, a-t-il expliqué ; avoir conscience de notre identité, tout en restant ouvert sur l’universel. »
Certains, parmi les plus jeunes, ont affiché des positions sensiblement différentes : « 1956, c’est bien, mais il faut faire le bilan de ce que vous n’avez pas fait depuis cinquante ans », a soutenu l’un d’eux, avant de passer en revue les maux qui continuent d’accabler l’Afrique. L’écrivain René Depestre n’est pas de cet avis. « En cinquante ans, a-t-il dit, grâce à notre prise de conscience, beaucoup de choses ont changé. Aux États-Unis, les Noirs occupent des positions politiques de premier plan et le Ku Klux Klan ne lynche ni ne pend plus personne. En Afrique du Sud, l’apartheid a été démantelé. Au Canada, ma nièce Michaëlle Jean est gouverneure générale. Tout cela révèle une très sensible amélioration de notre condition, même si le racisme n’a évidemment pas disparu. ».
L’écrivain martiniquais Daniel Maximin a quant à lui présenté un montage des propos tenus par les principaux participants au congrès de 1956. « Ce que je trouve essentiel, dit-il, ce n’est pas de commenter, cinquante ans après, mais de regarder, d’écouter, de savoir ce qu’ils ont fait. Ensuite, chacun pourra prendre ce qu’il veut de cette parole libre. »
Même si certaines tables rondes ont été consacrées aux problèmes socio-économiques, les questions identitaires et culturelles ont été au centre des débats. De l’avis de nombreux délégués, le « monde noir » ne met pas suffisamment en valeur ses richesses culturelles. Selon le théologien congolais Oscar Bimwenyi Kweshi, l’Afrique a parfaitement les moyens de résoudre ses conflits en s’inspirant de la tradition. Et plutôt que de chercher à connaître leur propre culture, les jeunes se contentent de dévorer celle des autres, véhiculée par les télévisions du Nord et les programmes scolaires « fabriqués par l’Unesco » sans tenir compte des réalités de chaque pays. D’où cet appel de Christiane Yandé Diop, directrice de Présence Africaine et veuve d’Alioune Diop : « Nous devons, dès maintenant et rapidement, former ces jeunes, leur expliquer que nous ne nous contentons pas de faire des discours. Que nous avons besoin de leurs idées. »

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